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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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27 mars 2017

La chute des fortifications

FRAC076351_5Fi0067L'exposition maritime de 1868

 

 

À peine le plan de l’ingénieur Lamandé était-il achevé que, déjà, ses limites se révélaient au grand jour : Le port trop exigu pour faire face à un trafic maritime en constante augmentation ; la ville étouffant déjà dans son nouveau carcan de fortifications, repoussé de 400 mètres plus au nord, certes, mais carcan néanmoins ; sans parler de cette autre barrière, naturelle celle-là, que constituait le rempart abrupt de la côte qui se dressait, d’ouest en est, comme une limite dont on ne pouvait ignorer la présence.

Dès 1825, les projets d’agrandissement du port et de la ville voyaient le jour, nombreux, parfois audacieux, souvent farfelus, ce qui fera dire à l’ingénieur Pierre-François Frissard : « Trois causes s’opposent à l’agrandissement du Havre : son enceinte, les dépenses considérables à engager, et la multiplicité des projets, la plupart inexécutables et tous contradictoires.1 » Et, toujours plus nombreuses, les voix des partisans du démantèlement des fortifications se font entendre. Le Maire Jules Ancel, qui a pris la tête de la fronde anti-remparts, est leur allié le plus précieux, le plus zélé. Mais ils se heurtent à une opposition, tenace, inflexible et efficace, celle de l’autorité militaire qui entend voir conserver au Havre son statut de place forte.

Sur une vue d’ensemble qu’avait présentée et commentée l’archiviste de la ville Philippe Barrey à l’occasion des commémorations du quatrième centenaire du Havre, en 1916, on peut aisément apprécier l’espace considérable occupée par les fortifications et le gain de place que leur suppression permettrait pour l’urbanisation de la cité. Même si je suis de ceux qui regrettent que Le Havre n’ait pu, ou su, grandir et prospérer sans sacrifier sur l’autel du progrès quelques-unes de ces racines qui le rattachaient à son Histoire, au nombre desquelles se comptaient bien évidemment ses fortifications, force est de constater que leur arasement présentait bien des avantages pour ceux qui étaient convaincus que c’était le prix à payer pour une expansion de la cité océane dont la nécessité et l’urgence se faisaient chaque jour un peu plus criantes.

Mettant à profit la visite dans la cité du Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte, Jules Ancel avait mis toute son énergie et sa force de persuasion à le convaincre des inconvénients de ces remparts qui représentait à ses yeux la principale entrave au développement de la ville et du port. La parole du maire l’emportera finalement sur les arguments des militaires et la loi promulguée le 9 juillet 1852 entérinera la démolition des fortifications, le comblement des fossés et l’annexion des communes limitrophes d’Ingouville, du Bas-Sanvic, de la partie ouest de Graville, et de l’Eure. Pour répondre aux inquiétudes des autorités militaires, de nouveaux ouvrages de défense seront construits. Sur le coteau, les forts de Tourneville et de Sainte-Adresse, deux places fortes qui avaient été préconisées en son temps par l’Empereur Napoléon 1er, et, face à l’estuaire, un fort aux Neiges et une batterie de défense sur le Perrey.

La disparition de la porte d’Ingouville, premier acte des opérations de démantèlement des fortifications, dès 1852, permit de donner une respiration nouvelle à la circulation pour laquelle elle avait fini, à mesure que cette dernière croissait, une gêne et un obstacle de plus en plus prégnant.

La suite des opérations, beaucoup plus onéreuse, prendra un peu plus de temps. Grâce à l’aide financière de l’État, la démolition des fortifications nord et est sera achevée en 1854. Les fossés sont comblés et, sur leur tracé, sont établis de nouvelles voies et de nouveaux équipements : « Le boulevard de Strasbourg, la rue Jules Lecesne, les casernes, le Palais de Justice, la sous-Préfecture, l’Hôtel de ville, sont ouverts sur le tracé de l’enceinte fortifiée, sur une longueur de 2 kilomètres.2 », écrivait en 1916 Philippe Barrey dans « À travers Le Havre d’autrefois ».

Encore une fois, répétons-le, chaque médaille, aussi belle et brillante soit-elle, a son revers. Et, si l’on en croit Frédéric de Coninck, les travaux, qui avaient été confiés à l’ingénieur du Port du Havre Ernest Bellot, même s’ils purent s’opérer grâce à un prêt de l’État, qui en avait profité pour s’approprier au passage les terrains ainsi dégagés, endettèrent considérablement et durablement la ville du Havre. « La chute des fortifications du Havre, écrivait Monsieur de Coninck en 1869, a marqué le commencement d’une troisième période dans les annales de la ville, appelée à de si grandes destinées, et qui aurait été bien plus belle qu’elle ne le sera, si, ainsi que cela s’est pratiqué pour d’autres places fortes démantelées, tant en France qu’à l’étranger, les terrains provenant des fortifications avaient été abandonnés à la Municipalité, soit gratuitement, soit à bas prix.3 »

Le chantier perdurera durant tout le second Empire. De 1857 à 1868, la ville est équipée de 21 kilomètres d’égouts, d’un éclairage public, de plantations. L’urbanisation des nouveaux quartiers avance rapidement, en dépit d’une certaine incohérence urbanistique, d’un déficit de sanitaires publiques et d’un approvisionnement en eau quelque peu défaillant. De nouveaux jardins font leur apparition, de nouvelles places aussi, des églises sont construites ou agrandies, ainsi qu’un lycée, des écoles, une salle d’asile, le temple protestant. Le cimetière Sainte-Marie est étendu, la ville organise le service des eaux, celui des octrois, l’hôtel de la sous-Préfecture, la nouvelle prison… Les quartiers Saint-Vincent, ex Bas-Sanvic, Saint-Joseph, à l’ouest, Sainte-Marie, sur l’ancien territoire de Graville nouvellement annexé, sont constitués. Les bassins de la plaine de l’Eure, sont inclus dans le périmètre de la ville. Une plaine de l’Eure où ne tardent pas à s’implanter les usines, les entrepôts et les populations ouvrières. « En même temps qu’il devient ainsi un grand emporium à l’échelle planétaire, Le Havre fait éclater ses murs, déborde sur la plaine, monte à l’assaut des pentes qui dominent l’estuaire, en un mot, s’affirme comme une grande cité, bientôt la première de Normandie.4 », pouvait-on lire en 1983 dans « Histoire du Havre et de l’estuaire de la Seine ».

Le front ouest des fortifications n’est pas oublié. Tout juste a-t-il été différé, sans doute pour les raisons financières que nous avons déjà évoquées. En 1861, on avait assisté à la démolition de la porte du Perrey et des éléments du rempart y attenant. Au nord-ouest, le porte de Sainte-Adresse avait connu le même sort. En décembre 1864, la démolition des fortifications ouest est achevée. Seule à être restée debout, on ne sait pourquoi, la porte des Pincettes disparaîtra en 1865. Un vaste boulevard prendra la place ainsi libérée. Ce sera le boulevard François 1er. De premiers aménagements y avaient été opérés dès novembre 1864. Il sera achevé en juin 1866. En 1867, il sera bordé de platanes. En 1868, se tiendra, en bordure du boulevard, sur une zone qui n'a pas encore été urbanisée, une exposition maritime internationale. « L’exposition universelle de 1868 est ouverte sur l’emplacement des remparts ouest. Il deviendra le boulevard François 1er. Lennier y éleva l’aquarium qui sera ensuite réédifié dans le jardin Saint-Roch.5 », écrivait à ce sujet Philippe Barrey en 1916.

Les rares vestiges des fortifications encore visibles auront disparu en 1869.

1) « Le Havre, un port, des villes neuves », Claire Étienne-Steiner, 2005.

2) « À travers Le Havre d’autrefois », Philippe Barrey, Commémoration du IVe centenaire du Havre, 1916.

3) « Le Havre, Petite Histoire civile, politique, militaire et économique », Frédéric de Coninck, 1869.

4) « Histoire du Havre et de l’estuaire de la Seine », Collectif, 1983.

5) « À travers Le Havre d’autrefois », Philippe Barrey, Commémoration du IVe centenaire du Havre, 1916.

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Commentaires
G
Un morceau de l'histoire du Havre totalement méconnu par moi, et sûrement par beaucoup de personnes. Je me demandais comment s'était agrandie notre ville avec ces remparts tout autour d'elle... Voilà la réponse... et des noms de personnalité que l'on retrouve dans le noms des rues ou des quais... Un vrai beau morceau de l'histoire s'ajoutant à cette création de François ler en 1517... les siècles ne se ressemblent pas, et la vie pousse les murs d'une ville en pleine activité !
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