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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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11 avril 2024

Le château de Graville (1ère partie)

Le tour du Havre des Emeutiers

Le château de Graville (1ère partie)

 

« Le convoi s’était immobilisé à hauteur des ruines de l’antique château seigneurial de Graville, non loin de la patte d’oie où le chemin poussiéreux venant de Leure rejoignait la route de Rouen.

 

Il n’y avait plus de l’ancienne forteresse, élevée ici par les seigneurs de la famille Malet à une époque si reculée que sa mémoire se perdait dans les brumes du temps, que quelques bâtiments ruinés totalement livrés à l’abandon. C’était tout juste si l’on pouvait encore deviner les vestiges de l’ancien donjon et des rares tours qui avaient échappé à la démolition pour faire place à la nouvelle route de Rouen au Havre. Il ne restait plus de la grande fonderie qui y avait été construite sur ordre du cardinal de Richelieu lorsqu’il était gouverneur de la ville que le souvenir qui s’était perpétué de génération en génération » (Extrait du roman « Les Émeutiers du Grand Quay »).


 

Le bec de Caux vers 1400, reconstitution d’après Le chevalier, image extraite de l’ouvarge « Le Havre, un port, des villes neuves » de Claire Étienne-Steiner.

« Avant le XIIIe siècle, nous dit Alphonse Martin dans sa communication intitulée « Le château-fort de Graville », pour asseoir les forteresses, on choisissait un terrain présentant des défenses naturelles, le sommet d’une colline isolée, ou, en terrain plat, on profitait des cours d’eau, des marécages et des îles ». Manifestement, lorsqu’il décida de construire son château, le seigneur de Graville avait privilégié cette seconde solution par rapport à celle qui aurait consisté à bâtir une forteresse sur le sommet de la falaise qui surplombait l’estuaire.

 

Sans que cela ait pu être démontré formellement, c’est sans doute à la fin du XIe siècle que fut édifié le château-fort de Graville. S’agissait-il alors, comme le suggère Joseph Morlent dans le tome 2 de son ouvrage « Le Havre ancien et moderne et son environnement », de protéger et de défendre le port d’Harfleur, dont les remparts, à cette époque, n’avaient pas encore ceint la cité ? Ou, plus simplement, comme il est généralement admis, pour surveiller et défendre l’estuaire de la Seine, et parer le cas échéant à toute tentative d’incursion à l’intérieur du territoire par le cours du fleuve ? A moins que ce ne soit les deux, mon capitaine.

 

Nous l’avons vu, c’est sur un espace de terre stabilisé qu’avait été dressé le vaste monticule de terre qui allait servir d’assise à une tour-forteresse dominant les marécages de l’estuaire. Des fossés larges et profonds, remplis des eaux s’écoulant des hauteurs de la côte, venaient baigner son enceinte. Ce fut peut-être initialement une simple motte castrale au donjon de bois, remplacé un peu plus tard par un édifice en dur. Ce donjon de pierre, qu’une gravure publiée en 1752 dans le Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines d’Anne Claude Philippe de Caylus nous a restitué dans son aspect ruiné du XVIIIe siècle, était de forme à peu près carrée dont la plus large des façades devait mesurer environ 11 mètres et dont la hauteur devait atteindre 12 mètres. Trois épais contreforts, un au centre, les autres à chaque extrémité, lui apportait leur précieux soutien. Les épaisses murailles qui le constituaient étaient larges de près de 2 mètres sur trois de ses côtés, tandis que celle du sud, face au marais et au fleuve, l’était de 3 mètres. Entre les murailles, la surface au sol, particulièrement restreinte, ne dépassait guère les 42 mètres-carré. C’est à peu près tout ce que l’on sait du château-fort d’origine construit par les seigneurs de Graville.

Les ruines du château de Graville, élévation, plan et coupe du donjon par Caylus – Image extraite de l’ouvrage « IVe centenaire du Havre » d’Alphonse Martin.

Sur ce même plan de 1752 qu’Anne Claude Philippe de Caylus dit devoir à un certain Monsieur Duchesne, sous-ingénieur des Ponts et Chaussées de Rouen, on distingue au fond sur la gauche les vestiges d’un mur de pierres, et sur la droite, le flanc de la motte et les restes d’un grand mur qui court le long de la motte auquel il est adossé. Mais il convient toutefois d’aborder ici ce qui semblera incontestablement être une curiosité, voire un mystère. Pourquoi, sur la reproduction d’un plan sur parchemin daté du commencement du XVIIe siècle, publié dans l’ouvrage qu’Alphonse Martin consacra au IVe centenaire du Havre, le donjon de ce château apparaît-il clairement de forme ronde ? C’est une énigme. Cela aurait pu s’expliquer par le fait que, jusqu’au XIIe siècle, les bâtisseurs ne maîtrisaient pas encore les techniques qui permettaient de construire les tours rondes qui permirent de réduire les angles morts et d’offrir plus de résistance aux coups de l’assaillant. Le donjon du château de Graville aurait pu être élevé initialement de forme carrée et être plus tard reconstruit arrondi.

 

Le petit souci, c’est que le document qui nous est fourni par l’ouvrage du comte de Caysus a été publié en 1752, soit plus d’un siècle après le plan sur parchemin cité plus haut. Le mystère prend encore plus d’épaisseur quand Alphonse Martin, dans son ouvrage consacré au château de Graville, mentionne le témoignage de Vincent le Coulteux, ancien prieur de Graville, recueilli lors du dénombrement de la seigneurie de Graville établi en 1602, lequel Vincent le Coulteux décrit le site comme une motte environnée d’eau en partie sur laquelle sont les anciennes ruines du chasteau de Graville, ne restant aucun bâtiment entier, sur icelle, sinon en dehors et encore demeure la grange du dit lieu. Notre théorie d’une tour carrée rebâtie en rond ne tient donc pas. La vérité est ailleurs, comme l’aurait dit Scully et Mulder…

Détail du plan du Havre et de la plaine comprise entre la côte d’ingouville et la Seine situant l’abbaye et le château de Graville, image extraite de l’ouvrage « IVe centenaire du Havre » d’Alphonse Martin.

Les évocations du château des Malet de Graville sont particulièrement rares au cours du Moyen-âge. Tout juste doit-on noter que, lors de l’armement de la flotte qui devait connaître un destin funeste à la tristement célèbre bataille de l’Écluse, l’amiral Hugues Quieret, commandant de la flotte lors de la dite bataille et qui y fut blessé, fait prisonnier et décapité par les Anglais, l’amiral Hugues Queriet, donc, séjourna entre ses murs. Par ailleurs, il est vraisemblable que le château fut occupé par le roi d’Angleterre Henri V lors du siège d’Harfleur de 1415. Occupé par les Bourguignons en 1417, il sera restitué à ses propriétaires historiques, mais Jean VI Malet, qui devait rester prisonnier outre-Manche durant 17 longues années, n’eut guère le temps d’entreprendre les travaux de remise en état que les exactions de la guerre dite de cent ans.

Louis Malet de Graville, portrait par un auteur resté anonyme, Château de Versailles, source www.wikipedia.org.

C’est son fils et héritier Louis qui fit construire, en 1490, à l’entrée de l’édifice un pont de 35 pieds de long sur 12 de large qui venait remplacer l’ancien pont-levis devenu obsolète en ces temps où se profilaient les idées nouvelles de la Renaissance. Et, en 1493, il fait réparer la clôture du château, dans laquelle étaient ouvertes plusieurs brèches. Mais les hautes fonctions auxquelles il était appelé à la cour l’éloignèrent peu à peu du domaine de ses pères et à délaisser son château de l’estuaire de la Seine.

 

Dès les premières heures du XVIe siècle, le château est abandonné, inhabité, livré aux affres du temps et des intempéries. Le 31 août 1532, un sergent royal voulant signifier un acte aux héritiers de Louis de Vendome n’y avait trouvé personne, le receveur auquel l’acte fut remis, « après avoir veu et leu le dict mandement m’a respondu qu’il n’avoit charge ne mandement du dict seigneur ne de messieurs ses gardains de recevoir icelle assignacion et que le dict seigneur de Graville estoit en la garde du Roy, nostre dict seigneur ». Le 3 septembre 1532, lors d’une nouvelle visite du même sergent, celui-ci trouva seulement la femme de Marin Le Clerc, concierge du château. « Et d’abondant me suis ce dict jour transporté au dict chasteau de Graville, auquel lieu n’ay trouvé que une femme, soy disant femme de Marin le Clerc, consierge du dict chasteau à laquelle j’ay réitéré la dicte assignacion par moy faicte au dict lieu faisant lecture du dict mandement ; laquelle m’a faict réponce qu’elle ne sçavoit que c’est et que je eusses à parler aux officiers de la dicte seigneurie ».

 

 

Sources :

« Le château-fort de Graville », Alphonse Martin, Recueil des publications de la Société Havraise d’Études
Diverses, 1922.

« Le Havre ancien et moderne et son environnement », tome 2, Joseph Morlent, 1825.

« Le Havre au jour le jour de 1778 à 1790 », Marie Le Masson Le Golft, Éditions Philippe Manneville, Rouen, Société de l’histoire de Normandie, 1999.

« Essais archéologiques, historiques et physiques sur les environs du Havre », Louis-Augustin Pinel, 1824.

« Découvertes faites à Graville-Sainte-Honorine », Charles Roessler, Bulletin de la Commission des antiquités de la

« Rapport au Roi sur l’enquête ordonnée pour évaluer l’indemnité due aux héritiers de Louis de Vendôme pour la

prise de possession des terrains à eux appartenants, sur lesquefs ont été élevées les fortifications et ville du Havre », Documents relatifs à la fondation du Havre, Stéphano de Merval, 1875.

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Commentaires
D
Pas facile de retracer l’histoire de ce château, pourtant tu as fait appel à de très bonnes sources dont tu as su tirer l’essentiel. Je reconnais bien là ton souci de l’exactitude. Je suis persuadé que tu pourrais écrire la suite ou le complément de cette histoire en piochant dans les archives anciennes, car tu es fait de la même matière que les Alphonse Martin ou Joseph Morlent !
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