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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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7 mai 2023

Le Bassin d'Ingouville

Le tour du Havre des Émeutiers

XV – Le bassin d’Ingouville

 

« Ce jour-là, le conseil municipal tout entier était venu visiter le chantier. Pierre Duval et Jean-Baptiste Delahaye en tête…

 

Et ce qu’ils y virent était édifiant. Les travaux de terrassement n’avançaient que très lentement. Tout autant en raison des intempéries qui gênaient considérablement les évolutions des ouvriers, qui œuvraient depuis plusieurs jours les pieds dans l’eau jusqu’aux mollets, qu’à cause des troubles qui étaient fréquemment occasionnés par les manifestations des sans-emploi et des mécontents » (Extrait du roman « Les Émeutiers du Grand Quay »).

 

Ce chantier, c’était celui qui allait donner naissance au Bassin d’Ingouville, notre actuel Bassin du Commerce

 

La mise en œuvre du plan Lamandé allait constituer, pour Le Havre, pour la ville, pour le port, pour le commerce, un extraordinaire et spectaculaire chambardement. Pour la première fois, la cité et ses habitants s’émancipaient du carcan des remparts que plusieurs générations de souverains avaient patiemment édifiés pour préserver la ville et ses bateaux des agressions des ennemis du royaume.

 

Le Bassin du Commerce, Gravure de Gilbert et Thalès-Fielding (Collection G.H.)

Le plan de l’ingénieur François Laurent Lamandé, adopté par Louis XVI dès 1787 et mis en chantier aussitôt, allait, une fois de plus, comme ce fut souvent le cas dans l’histoire de la cité océane, donner la priorité au commerce. Compte tenu de ce choix délibéré, personne ne s’étonnera que le premier chantier qui fut ouvert, ce dès l’année 1788, fut celui d’un des deux bassins inscrits dans le projet, le bassin d’Ingouville. D’autant plus que les négociants, dans une hâte bien légitime de disposer d’un nouveau plan d’eau, avaient avancé 200 000 livres pour en hâter la réalisation.

 

On assiste alors à la démolition d’une partie des remparts nord, passage obligé pour le creusement du bassin qui va exploiter pour une large part les fossés qui, à cet endroit, bordaient les fortifications. « Lamandé a voulu profiter du fossé compris entre le bastion de la Musique et celui des Capucins pour former le nouveau bassin », écrit à ce sujet Claire Étienne-Steiner dans « Le Havre, un port, des villes neuves ». Sur le terrain marécageux du nord, on a tracé le quai de la Liberté, notre actuel quai George V. En 1791, les opérations de creusement sont terminées, les quais côté sud sont achevés, tout comme l’écluse de communication avec le bassin du Roi, dont les portes d’èbe sont posées l’année suivante.

 

Mais hélas, nous le savons, la Révolution de 1789, ses troubles, ses incertitudes et ses guerres, mais aussi les conflits napoléoniens et les soucis financiers, ces derniers découlant assurément des autres, eurent pour effet de ralentir considérablement l’avancement du chantier.

Le Bassin du commerce vu par Deroy d'après nature (Collection G.H.)

Les travaux ne seront achevés qu’en 1820, et encore, cela ne put se faire que grâce aux Négociants qui avancèrent les fonds nécessaires à la poursuite des travaux. Le pertuis d’Angoulème, qui permettait la communication avec le nouveau bassin voisin de la Barre, était terminé et l’on pouvait procéder à l’inauguration « officielle » des nouvelles installations. Dans son « Guide du voyageur au Havre et aux environs », Joseph Morlent témoigne : « Le Bassin du Commerce, creusé dans les anciens fossés du Havre, s’étend aux deux extrémités orientale et occidentale de la ville ; sa longueur est de 460 mètres, sa largeur de 100 mètres sa superficie est donc de 56,000 mètres ; commencé en 1786, il ne fut livré à la navigation qu’en décembre 1820. Ce bassin, qui peut contenir deux cents navires, communique avec le bassin du Roi par une écluse sur laquelle est établi un pont à bascule ».

 

Panneau Emeutiers 2

Mais la Marine n’avait pas eu la patience d’attendre jusque-là. Dès 1814, elle avait investi une grande partie du bassin pour y installer certains apparaux dont les démolitions nécessaires à sa réalisation l’avaient privé. Il faudra l’intervention résolue du Maire Begouen-Demeaux, en 1817, pour le bassin soit restitué au commerce dont il prend le nom cette année-là. En 1818, de nouveaux travaux sont entrepris pour donner plus d’espace aux quais et aux installations périphériques dont le bassin avait grand besoin. Pour ce faire, on démolit « la prison et la morgue de la Marine, ainsi que la pigoulière, la cabane aux calfats, le parc à boulets, les forges et la serrurerie au sud-ouest du bassin ».

 

Une machine à mâter est installée en 1818 sur le quai ouest, sur la place du parc-au-bois qui prend alors le nom de « Place de la Mâture ». Cette première machine sera remplacée en 1842 par un autre chevalet à mâter. Dans ses « Souvenirs d’enfance », Ambroise Joly se la remémore : « La Mâture fut aussi un de mes grands ébahissements de campagnard. Elle se dressait sur le bord ouest de bassin du Commerce telle une sentinelle géante et semblait veiller sur d’innombrables long-courriers ».

 

Peu à peu, les négociants investissent le quai d’Orléans, devenu depuis quai George V. Les compagnies maritimes s’y installent. Les voiliers de toutes nationalités s’y abritent et le bassin ne désemplit pas. Un entrepôt fut construit au nord de la place de la mâture pour y stocker les marchandises en douane. Emblème de la place prépondérante et de l’influence grandissante dans la vie havraise qu’occupe désormais le commerce, une exposition universelle fut organisée en 1887. Cette manifestation internationale est le prétexte à la construction d’une passerelle en bois, enjambant le bassin, face au palais de la Bourse qui avait été inauguré en 1880. Ce premier pont, que l’on pourrait qualifier de provisoire, sera remplacé en 1899 par un ouvrage métallique plus élaboré, le pont Alexandre III, ainsi nommé en hommage au maître de la Russie. La passerelle au galbe résolument moderne qui lui a été substituée de nos jours a été achevée en mai 1969.

L'Exposition Maritime de 1887 autour du Bassin du Commerce, Gravure parue dans « L'Illustration » (Collection G.H.)

Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe, le bassin du Commerce et ses quais débordent d’activité. Hélas, ils seront à leur tour victimes de l’accroissement ininterrompu de la taille des bateaux et de leur besoin d’être accostés dans des eaux sans cesse plus profondes. Même si, après la grande guerre de 14-18, les yachts des richissimes propriétaires y trouvent encore un abri en plein centre-ville, pour le bassin, le déclin semble inexorable. À un point tel qu’il fera l’objet d’une polémique, en 1945, opposant les partisans d’un projet visant à le combler en totalité ou en partie, et ses ardents défenseurs qui refusaient de voir disparaître cet espace qui avait, durant plus de deux siècles, porté haut les couleurs de la marine à voiles.

 

Aujourd’hui, plus aucun bateau ne vient « se reposer » le long des quais du bassin du Commerce et, sans doute, bien des Havrais en sont navrés et le regrettent. En reverra-t-on un jour ? Peut-être. Qui sait ? Ne dit-on pas que la vie est un éternel recommencement ?

 

Sources :

 « Le Havre, un port, des villes neuves », Claire Étienne-Steiner, 2005

« Souvenirs d’enfance et de jeunesse », Ambroise Joly, 1862.

« Guide du Voyageur au Havre et aux environs », Joseph Morlent, 1827.

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Commentaires
G
Bonsoir Daniel,<br /> <br /> Je réponds à ton commentaire bien tardivement et j'espère que tu voudras bien m'en excuser. Je ne chercherai pas d'excuses, j'ai tout bêtement complètement oublié de le faire.<br /> <br /> Merci beaucoup pour les informations complémentaires que tu y as inclus. C'est fou que l'hôtel Mercure ait caressé le projet d'y installer son parking. Ces gens-là ne reculent devant rien. Heureusement qu'il y ait eu des défenseurs du bassin. Je note que tu as noté "défenseurs du bassin". Dois-je en déduire que la municipalité ne s'opposait pas au projet ?<br /> <br /> Merci en tout cas pour ces précisions et encore toutes mes excuses.<br /> <br /> Bonne fin de journée, Daniel et bon week-end.
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H
Belle histoire que ce bassin du commerce, tu la racontes magnifiquement comme d’habitude. En plus du comblement interrompu par Raoul Dautry en 1945 sur les recommandations de Georges Priem et du maire Pierre Voisin, le bassin a failli être en partie comblé dans sa partie Est pour faire le parking de l’hôtel Mercure. Heureusement là aussi les défenseurs du bassin ont mis le holà pour empêcher ça.<br /> <br /> Bon dimanche Gérard.
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