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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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18 décembre 2022

Le Grand Quay

 

Le tour du Havre des Émeutiers

IV – Le Grand Quay

 

« Alignés tout le long du Grand Quay, les bateaux se balançaient au bout de leurs amarres, au gré de la houle. Une forêt de mâts hérissés de leurs vergues et de leurs boutes-dehors s’élançait à l’assaut du ciel. Des dizaines de navires étaient rangés là, bord à bord, poupe à quai. À intervalles réguliers, ils se heurtaient les uns les autres ou venaient percuter avec une violence inouïe le rebord de l’ouvrage. Les grincements des cordages, les craquements des mâtures, les gémissements lugubres des coques jouaient pour un public clairsemé et transi, mais néanmoins averti, une symphonie fantastique et inquiétante » (Extrait du roman « Les Émeutiers du Grand Quay »).

La construction des quais avait débuté dès les premières heures du chantier du nouveau havre, en même temps que l’édification de la grosse tour François 1er et que l’élévation des deux jetées qui devaient permettre l’accès au port. C’est ce que confirme Jean Legoy dans « Les Havrais et la mer », joignant ainsi sa voix à celle de bien d’autres Historiens : « Au nord de cette entrée, une tour de défense, la tour François 1er a été construite. Sur ce même côté, un quai d’environ 60 mètres de long. Le Grand Quai (l’actuel Quai de Southampton) a été établi à l’aide de pieux enfoncés dans la vase et de fascines ».

Ces installations provisoires, faites de pieux et de fascines, destinées à matérialiser et à stabiliser le chantier, allaient bientôt laisser la place aux quais de pierres de taille et de maçonnerie. En dépit des difficultés d’acheminement des matériaux et des problèmes financiers qui, notamment en 1518, ralentirent la bonne marche du chantier, le souverain et, par voie de conséquence, le sieur du Chillou étaient déterminés à construire solide et « beau ». Les pierres, en provenance des meilleures carrières de Normandie, arrivaient jusqu’au port en gestation par bateaux. Les procès-verbaux de toisage des maçonneries en attestent : « La nature et la qualité de la pierre charriée par les heux (ces petits voiliers à faible tirant d’eau, utilisés au Havre, qui étaient utilisés pour l’allègement des navires qui ne pouvaient ou ne voulaient se risquer à remonter le fleuve), de la Seine correspondent au devis : pierres de Vernon, du Val-des-Leux, de Saint-Leu d’Esserent et pierre de liais », peut-on lire dans « Le Havre, un port, des villes neuves » de Claire Etienne-Steiner.

 

Le grand quai - Place des PilotesLa Place des Pilotes au Havre de Grâce vers 1830

 

Mais, à l’instar des autres ouvrages entrepris sur le site du havre de Grâce, le chantier du Grand Quai n’avançait que très lentement. Aux problèmes d’acheminement des matières premières et aux aléas financiers, s’ajoutait un ensemble de difficultés qui constituaient autant d’obstacles supplémentaires : moyens techniques insuffisants, main d’œuvre inexpérimentée, nature instable du terrain, rigueurs de l’hiver. C’est peu de dire que l’on était loin du résultat escompté.

Néanmoins, en 1520, les travaux sont suffisamment avancés pour que huit anneaux de fer destinés à l’amarrage des navires puissent être posés et que l’on parvienne à faire entrer dans le nouveau port les nefs royales « Hermine » et « Loyse ». L'endroit portait alors le nom de rue des Quais.

C’est sans doute la faible hauteur de la jetée et du quai qui explique, du moins en partie, l’ampleur de la catastrophe survenue dans la nuit tragique du janvier 1525 et que nous racontent dans les mêmes termes tous les Historiens havrais unanimes. « Ce fut la nuit du 15 janvier 1525, feste de Saint-Maur, que la mer s’enfla avec tant de violence que presque tous les habitants de la ville furent noyez », relate, entre autres, Jean Laignel dans« Antiquitez du Havre de Grâce ».Il fallut néanmoins attendre encore de longues années pour les quais soient suffisamment rehaussés pour faire un barrage efficace aux assauts répétés de la mer. Les premières maisons du Havre, qui avaient été bâties sur le Grand quai, furent submergées par cette montée subite des eaux et près de cent habitants périrent dans cette inondation. On rehaussa le niveau du quai. Les premières hôtelleries furent également établies sur le Grand Quai, telle que celle de la Salamandre où descendit le conseiller Beclièvre envoyé en mission par le roi pour négocier avec le seigneur de Graville sur le montant de l'indemnité qui lui était due.

 

Panneau Emeutiers 2

Délimité à l’ouest par la place d’Armes et à l’est par le chenal d’accès au bassin du Roi, le Grand Quai occupait approximativement les lieu et place du quai de Southampton d’aujourd’hui. Une étude cadastrale de 1524 montre que les îlots d’habitation qui le bordaient furent les premiers à surgir de terre. Cela semble somme toute plutôt logique puisque les nouveaux habitants étaient sans doute, et fort légitimement, désireux de résider au plus près du port, même si cela n’était pas, nous l’avons hélas constaté, totalement dénué de risques.

Le bassin du Roi étant totalement voué à la marine de guerre (Il le restera jusqu’au début du XIXe siècle), les activités commerciales s’étaient concentrées sur le Grand Quai. Dès le gouvernement de Richelieu, les négociants y installèrent leurs comptoirs, leurs bureaux. Après tout, n’est-ce pas l’endroit idéal pour surveiller comme il se doit les mouvements du port, les allées et venues des navires ? Conséquence de cette effervescence et de ces âpres activités, le Grand Quai prenait alors des allures de fourmilière à taille humaine où armateurs, négociants, brouettiers et ouvriers spécialisés s’adonnaient à un ballet incessant et frénétique dont le rythme ne ralentissait que durant les périodes de conflit, lorsque les mouvements maritimes étaient, par la force des choses, à l’arrêt, pour mieux repartir de plus belle une fois la paix revenue. Les maisons qui bordaient le Grand Quai s’élevaient alors, sur quatre, cinq étages, et les négociants y logeaient fréquemment leurs employés. Pour mieux les avoir à disposition, sans aucun doute, lorsque le besoin s’en faisait sentir. Et gageons qu'il devait se faire sentir souvent… 

 

DSC_0002L'entrée du port en 1845

 

Jusqu’en 1740, date à laquelle celui-ci émigre rue Dauphine, on y trouvait le grenier à sel. On y comptait aussi des hôtels (Hôtel de la Salamandre attesté dès 1532), des auberges et des boutiques. En 1756, a l’angle du quai Notre-Dame, est construit, d’après les plans de l’architecte royal de Rouen, le bâtiment de la Douane, appelé familièrement « La Romaine ».

En 1786, Louis XVI, en visite au Havre, parcourant le Grand Quai, se livra à un examen détaillé des navires de commerce qui y étaient accostées. Le soir, la façade de la Douane avait été illuminée et, sur le bâtiment, des vers à la gloire du monarque avaient été affichés.

En 1802, Bonaparte visita aussi le Grand Quai. Une colonne, élevée en son honneur par les soins de l'administration des Ponts et Chaussées, avait été dressée sur le quai.

De tous temps, de nombreux négociants avaient installé leurs bureaux dans les maisons du Grand Quai où venaient accoster les navires venus des horizons les plus lointains, Amériques, Afrique, Asie, mais aussi des barques plus modestes qui assurèrent très tôt la liaison avec Honfleur, Trouville, Caen, Rouen, ou encore Cherbourg et Saint-Malo. Autant de lignes régulières dont les compagnies avaient installé leurs bureaux sur le Grand Quai. C’est aussi le Grand Quai qui abritait à une certaine époque l’anse des Pilotes et la flotte des bateaux de pêche.

Le Grand Quai prendra le nom de « Quai de Southampton » après la première guerre mondiale.

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Commentaires
H
Bonne année Gérard, qu'elle te soit aussi profitable que 2022 pour tes projets !
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H
Raconter l’histoire du grand quai c’est raconter la genèse du Havre, merci Gérard.
Répondre
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