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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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27 novembre 2022

La Chaussée d'Ingouville

 

 

Le tour du Havre des Émeutiers

I – La Chaussée d’Ingouville

 

« Tout à coup, son attention fut attirée par une rumeur, ténue et lointaine au début, mais dont le volume ne cessait de prendre de l’ampleur à mesure qu’elle se rapprochait. Un ensemble confus de bruits et de voix qui s’élevait d’un groupe d’hommes et de femmes en haillons, auquel s’étaient mêlés quelques enfants, qu’il avait vu, en se retournant, arriver dans sa direction.

Sur la chaussée qui menait du bourg d’Ingouville au Havre, ils allaient en cortège, gesticulant, hurlant, vociférant, s’avançaient lentement en direction de la porte de la cité. Quand l’attroupement fut suffisamment proche, il parvint, en tendant l’oreille, à distinguer la teneur des slogans qui jaillissaient de leurs poitrines en colère. Les « Liberté pour Travers » se mêlaient aux « Le pain à 24 sols » (Extrait du roman « Les Émeutiers du Grand Quay »).

Cette chaussée menant du bourg d’Ingouville au Havre, vous l’aurez compris, c’est la Chaussée d’Ingouville. C’est là que, dans des circonstances très particulières et mouvementées, nos héros Jean-François et Jérôme vont faire connaissance.

Sa première représentation se trouve sur un plan du Havre de 1530, mais il y a tout lieu de penser qu’elle existait déjà avant la création de la cité océane, puisqu’il s’agit ni plus ni moins du principal et du plus court chemin qui menait du hameau d’Ingouville à la crique de Grâce.

Sur un plan de 1530, elle était représentée sous la forme d’une route surélevée, traversant les marécages de la plaine, qui l’environnaient tout autant à droite qu’à gauche. C'était la seule possibilité à l’époque de joindre « au sec » la ville naissante au village lové sur les premiers contreforts de la « Côte ». Elle avait certainement été rehaussée très tôt. Il n’est pas interdit d’énoncer l’hypothèse que ce soit le sieur du Chillou lui-même qui en ait ordonné la surélévation. On sait qu’il avait obtenu du Roi François 1er l’autorisation de prélever en forêt de Montgeon le bois nécessaire à la construction des premières maisons de la cité. Rehausser le chemin qui conduisait du bourg d’Ingouville à la ville en gestation s’était sans aucun doute alors révélé utile, voire indispensable.

 

21 Sur la côte d'IngouvilleLa Chaussée d'Ingouville telle que put la découvrir le roi Louis XV lors de sa visite au Havre en 1749

 

À l’ouest de la chaussée, très tôt bordée d’arbres qui en faisaient une longue voie ombragée, se dressent haut dans le ciel plusieurs moulins, dont la fonction, pour certains, consistait à assécher le marais. Non loin de là, se tenait le couvent des Pénitents dont la première pierre avait été posée en 1661. Plus loin, au milieu des marais, le pré de santé Saint-Roch.

De l’autre côté, vers l’est, l’hospice général, transféré sur le site d’Ingouville en 1669, lorsque fut créé l’Arsenal du bassin du Roi, appelé quant à lui à devenir l’hôpital général du Havre. Devant l’hospice, passait le chemin encore imprécis qui deviendra la route Royale conduisant du Havre à Rouen. Au nord, au pied de la falaise, s’ouvrait la route de Montivilliers, elle aussi encore à l’état de chemin chaotique. Au bas de la côte, à l’amorce de cette voie qui se hisse au flanc de la falaise pour conduire les paroissiens jusqu’à l’église Saint-Michel, se tenait l’auberge de l’« Écu de France », construite au XVIe siècle. Elle nous est connue par des documents figurés. Elle a été démolie en 1839 pour permettre l’élargissement de la rue.

En 1738, avaient été entrepris des travaux d’amélioration de la chaussée afin de la rendre plus praticable pour les moyens de transport « modernes ». « L’allée centrale, bordée de pierres de taille, est réservée aux voitures, écrit à ce sujet Claire Étienne-Steiner dans Le Havre, un port, des villes neuves, Dans les allées latérales, les arbres taillés en berceau ombragent un grand nombre de bancs placés à égale distance ». C’était alors devenu une magnifique promenade qui ne comptait pas moins de 800 arbres.

 

Panneau Emeutiers

L’amélioration de ce trait d’union entre la cité océane et le hameau d’Ingouville changera-t-elle radicalement la vision qu’en avaient les bourgeois de la ville ? Ou, au contraire, est-ce parce que les dits bourgeois commençaient à s’intéresser de près aux charmes rupestres du petit bourg que la liaison, demeurée jusque-là plutôt chaotique, que l’on entreprit ces travaux ? Toujours est-il que, dans les années suivantes, les choses allaient changer du tout au tout. En 1747, la chaussée rénovée constituait le point de départ de la nouvelle route Royale qui allait relier Le Havre à Rouen. Puis, les uns après les autres, négociants et bourgeois, fuyant les bruits et la fureur de la ville (déjà !), émigrèrent vers la « Côte » à cause, nous dit-on, du climat malsain de la ville basse et des épidémies. Une première maison de négociant y avait fait son apparition en 1751. En 1755, on construisit un théâtre dans la demie-lune de la porte d’Ingouville. Un incendie le détruisit l’année suivante, faisant plusieurs morts. Sur le champ de foire, la future place Thiers, La foire Saint-Michel effectuait sa grande première en 1757, tandis qu’en 1769, le directeur de la Manufacture des Tabacs se faisait construire un pavillon, à l’emplacement occupé de nos jours par la résidence seniors qui a remplacé la Banque de France. En face, le négociant Pierre-Martin Foache fait construire la « Folie-Martin » sur un grand verger encore entouré de canaux. À l’amorce de la rue de Montivilliers, on avait construit en 1762 l’hôtel du Bras d’Or.

 

L’agrandissement de la ville, en application du plan Lamandé, avait entraîné l’amputation d’une partie de la chaussée d’Ingouville qui allait devenir, à l’intérieur des remparts repoussés de 400 mètres plus au nord, la rue neuve de Paris. Les maisons, bâtiments et jardins inclus dans le nouveau périmètre du Havre sont démolis. Les beaux arbres qui bordaient la chaussée sont abattus pour satisfaire aux besoins des travaux du port, proclamés « Priorité absolue ». Au-delà de la nouvelle porte d’Ingouville, la chaussée continua encore quelques années à être ce lieu de promenade et de détente cher au cœur des Havrais qui aimaient s’y retrouver, comme le rappelle Alphonse Martin en 1921 dans une communication parue dans le Recueil de la S.H.E.D sous le titre de Promenades et distractions des Havrais en 1821.: « Si le temps était beau, après le travail de la journée, on se permettait quelquefois une promenade à la chaussée d’Ingouville. C’est ainsi qu’un voyageur avait parcouru à son arrivée cette délicieuse avenue d’Ingouville, entre deux allées d’ormes, au milieu d’une foule de promeneurs, dont une partie se reposait sur des chaises comme au boulevard des Italiens. Les dames y étalaient, avec la grâce et l’élégance de la haute société, la richesse et le luxe d’une capitale ».

Pour les Havrais, du moins pour ceux qui peuvent se le permettre, l’heure est aux loisirs. À l’est de la chaussée, les jardins potagers et les maisons côtoient ces propriétés qui ont été transformées par leurs propriétaires en « guinguettes ». En 1820, le « petit théâtre de la Chaussée » ouvre ses portes au public. En 1834, le « gymnase enfantin » lui emboîte le pas, suivi, en 1841, par le « salon de physique ». En 1863, le directeur du casino fait construire le café-concert l’« Alcazar ».

 

Modèle blog

En 1856, alors que les arbres séculaires de la chaussée sont remplacés par de nouveaux et que ses allées sont bitumées, la Banque de France s’installe dans la propriété Chaussé. Le bâtiment actuel sera construit en 1882. En 1865, un nouveau plan d’aménagement entraîne la disparition de la double rangée d’arbres et des fossés. Cela modifie totalement la physionomie de la chaussée et, lien de cause à effet ou pas, les propriétaires des boutiques fondent les grands magasins qui vont bientôt jalonner la chaussée, rebaptisée « rue Thiers », et en faire la grande artère commerciale de la nouvelle ville. Le mercier Huet ouvre la « Boule d’Or » en 1880. Le magasin « Au Gaspillage » ouvre à son tour en 1890, en face de la Banque de France. La rue est prolongée en 1883 jusqu’au champ de foire, effectuant ce virage à 45 degrés que tous les Havrais connaissent bien. C’est précisément à cet emplacement, au pied de la Côte que s’implantera en 1939 le cinéma-music-hall « Rex », alors qu’en 1920, l’hôtel du « Bras d’Or » laisse la place au magasin « Aux Gobelins ».

Les bombardements de la seconde guerre mondiale ravagèrent entièrement la rue Thiers. Le magasin « la Boule d’Or », reconstruit, deviendra le « Printemps ». « Au Gaspillage », devenu « Boka Dralux » en 1935, reconstruit lui aussi, est de nos jours sous l’enseigne « Eurodif ». L’église Saint-Michel et son clocher atypique seront, quant à eux, reconstruits par l’architecte havrais Henri Colboc, dans une architecture résolument moderne, il va sans dire. L’édifice religieux sera rendu au culte en 1964.

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Commentaires
H
Que de renseignements sur cette chassée d’Ingouville. On a peine à imaginer ce qu’elle fut autrefois, mais il a y une chose qui n’a pratiquement pas changée, c’est son tracé. Je dis « pratiquement », car après-guerre elle fut déviée vers l’Est depuis le carrefour avec la rue Anatole France, pour former un angle droit avec le boulevard de Strasbourg ! http://havraisdire2.canalblog.com/archives/2016/04/24/33623419.html<br /> <br /> Bon dimanche Gérard.
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