Les rues du Havre au 16e siècle
En effectuant de premières recherches pour un projet d’écriture dont Le Havre en 1562, le coup de force des Protestants et l’occupation des troupes anglaises qu’ils appelèrent à la rescousse serviraient de cadre, m’apparut soudain la nécessité, afin d’appréhender au mieux « l’espace », de resituer sur un plan de la ville les différentes rues et venelles de la cité et de les appeler du nom qui leur était attribué à l’époque.
Pour ce faire, je choisis d’utiliser le plan établi par Hironimus Cock puisqu’il fut probablement réalisé vers 1550, ce qui en fait une image que l’on peut estimer fidèle à la physionomie de la cité océane à la fin du XVIe siècle.
Pour tenter de cerner avec autant de précision que possible les noms qui étaient ceux des artères de la ville à l’époque, mes références furent les Mémoires de la Fondation et origine de la ville françoise de Grâce, composez par maistre Guillaume de Marceilles, précieux document s’il en est puisqu’il fut rédigé à la fin de ce XVIe siècle. Autre référence indispensable pour ce genre de recherche, l’Histoire des rues du Havre en 3 tomes de Charles Vesque, qui, rue par rue, ruelle par ruelle, nous permet de remonter le temps souvent jusqu’aux origines de la cité. Enfin, le document consultable sur le site des Archives Municipales intitulé État des rues de 1743 offre lui aussi des indications très intéressantes sur les anciennes dénominations de ces rues qui changèrent bien des fois de noms au cours de l’Histoire de la ville, ce qui n’est pas, vous en conviendrez, de nature à nous faciliter les recherches.
Toutefois, les Mémoires de la Fondation et origine de la ville françoise de Grâce permettent d’identifier de façon quasi-certaine les noms de quelques rues. La rue des Remparts, la rue de la Fontaine, la rue Sainte-Adresse, la grande rue Saint-Michel, la rue Saint-Julien, la rue des Galions, la rue Françoise, la rue du Petit Quai, la rue du Grand Quai, la rue Saint-Jacques et la rue du Grand Pont dans le quartier Notre-Dame. La grand rue Royale, la rue Dauphine, la rue Saint-François, la rue des Remparts pour ce qui concerne le quartier Saint-François.
Concernant la rue des Remparts, elle longeait, comme son nom l’indique, les fortifications à l’ouest et au nord, courant de l’angle que formait le Grand Quai jusqu’au bastion Saint-François, à la pointe nord-est du quartier éponyme. La partie qui longeait le rempart ouest est peut-être celle qui changea le plus de dénomination. Elle se nomma successivement rue de la Muraille, des écuries, d’Écosse, des Corderies, mais Guillaume de Marceilles, à la fin du XVIe siècle, la désigne bien sous le nom de rue des Remparts.
Autre chose qui saute aux yeux, c’est qu’à cette époque, on ne s’amusait pas à saucissonner les bouts de rue comme on a pu le faire à d’autres époques. Ainsi, les rues Françoise, des Galions, Sainte-Adresse, qui prit plus tard le nom de rue d’Estimauville, et de la Fontaine traversait la ville de part en part, me semble-t-il, du Grand Quai jusqu’au rempart nord.
Concernant la rue appelée plus tard Martonne, le doute est plus que permis. « Son premier nom, écrit Charles Vesque dans son Histoire des Rues du Havre, fut rue des Corsets Violets, sous Henri IV, puis elle reçut celui de Sergent-Petit, qui disparut sous Louis XV pour faire place a la rue Martonne. En 93, elle s’appela rue Régénérée, jusqu’en 1795, où elle reprit son nom actuel ». Elle porta peut-être aussi, à un moment donné, le nom de rue des Boucheries.
Beaucoup de noms de rues du Havre du XVIe siècle nous restent inconnus. Peut-être même n’en avaient-elles pas officiellement, l’un des usages d’alors, comme le laisse entendre l’État des Rues de 1743, étant de la désigner “vulgairement”, c’est-à-dire sous l’appellation qui lui avait été donnée par les habitants en fonction d’une particularité, d’un événement marquant ou de la personnalité de ses résidents.
Par exemple, la rue de l’Esprit ne reçut apparemment de nom officiel qu’en 1669. Dans le quartier Saint-François, la rue du Petit Portail et la rue du Chevalier ne furent nommés ainsi qu’en 1743, la rue du Galley en 1720. La rue du Grand Croissant s’appelait rue du Croissant et la voie qui, au sud, lui était parallèle, se nommait Cul-de-Sac du Petit Croissant, car elle était “aveugle”, barrée très tôt du côté du bassin du Roi. La rue d’Edreville s’appelait rue des Coquets. « Les coquets étaient, rapporte Charles Vesque, citant le Glossaire Antique de Jal, des petits bateaux affectés, comme nos chaloupes, au service des navires ». La rue de la Fontaine avait été, pour éviter de la confondre avec celle du quartier Notre-Dame, rebaptisée rue Fontaine Saint-François.
Autre curiosité du plan de Cock, cette fois, à laquelle je n’avais guère prêté attention jusqu’à présent, c’est cette porte des Barres qui permettait d’accéder au quartier de ce nom, que le plan nous permet de visualiser dans sa réalité de l’époque, nous démontrant au passage qu’il n'était pas si désert de constructions qu’on a quelques fois bien voulu le dire. À moins que ce ne soit qu’une vision de l’artiste. Auquel cas il faudrait considérer que l’ensemble l’est dans sa globalité, ce que je ne crois pas tant les différents plans qui ont représenté Le Havre des origines sont assez semblables pour l’essentiel.
Voilà, vous trouverez ci-après “ma” vision du Havre en 1562. Elle n’a pas, bien évidemment, l’outrecuidance de se vouloir parfaite et définitive. D’ailleurs, à ce sujet, toutes les indications et remarques que vous pourriez me faire à ce sujet seront les bienvenues et prises en compte pour l’amélioration de ce plan.
Merci pour votre attention et votre bienveillance.