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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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5 mars 2018

De l'Hôtel-Dieu à l'Hôpital...

 

IMG_8829Ce bâtiment de l'Hôpital Flaubert est millésimé 1770

« La misère a existé de tout temps, car elle n'est pas, comme quelques-uns pourraient le penser, une plaie des temps modernes, due surtout au développement industriel de notre époque (1) », écrivait Jules Siegfried dans l'un de ses ouvrages.

 

 

C'est grâce à la charité chrétienne que naquirent au Moyen-Âge l'assistance hospitalière qui resta fort longtemps, il est vrai, essentiellement tournée en direction des pauvres. Des pauvres et des mendiants dont le nombre va s'accroître et la condition va se dégrader considérablement au XVIe siècle, tout et autant que cela puisse sembler possible. Le pouvoir royal va y apporter « sa » solution. Radicale. Expéditive : Isoler les malheureux et les déshérités, les « éloigner » le plus possible des braves gens, notables et bourgeois, à qui côtoyer journellement ces pauvres hères, sales et importuns, qui plus est porteurs et transmetteurs des pires maladies, devenait chaque jour plus insupportable. Pour cela, il convenait d'ouvrir des asiles dont la mission serait de recueillir et d'héberger malades et nécessiteux. Ce seront les Hôtels-Dieu, placés sous le signe de la foi chrétienne et le plus souvent administrés par les représentants des ordres religieux.

Le milieu inhospitalier sur lequel avait été fondés le port et la ville du Havre, en 1517, était constitué pour une large part de terrains marécageux, sillonnés de ruisseaux, favorables à la propagation des épidémies en tous genres, ce qui ne manqua pas, on s'en doute bien, d'affecter la santé des ouvriers qui passaient de longues heures à œuvrer dans des conditions épouvantables. Ceci, bien sûr, eut de fâcheuses conséquences sur l'avancement du chantier, prolongeant d'autant le temps durant lequel ces malheureux ouvriers eurent à subir cette pénible situation et aggravant d'autant leur état de santé et leur précarité sociale. Car ces journaliers, qui pouvaient se retrouver du jour au lendemain sans emploi, n'avaient plus d'autre solution que de retourner à la misère dont ils étaient issus. Pourtant, les premières années, aucune structure destinée à recueillir et soigner ne fut inscrite au programme des bâtisseurs de la cité et il fallait alors, pour trouver un établissement de ce genre, se rendre à l'hôpital le plus proche, lequel se situait sur la commune de Montivilliers. « Un petit enfant avait été trouvé auprès du Havre ; mais personne n'ayant voulu s'en charger, on fut obligé de l'envoyer à l'hôpital de Montivilliers, ainsi que l'atteste un article du compte du trésorier de cet établissement, pour l'année 1522 », écrit Alphonse Martin dans l'un de ses ouvrages (2).

Dans une première tentative louable, les élplan de Devauxus de la ville avaient établi le sieur Nicolas Dany « en qualité de médecin pensionné de la ville » (3). C'était en 1541, l'année du remplacement du sieur du Chillou par l'architecte siennois Jérôme Bellarmato. Faut-il y voir une relation de cause à effet ? Je laisse chacun de vous, seul juge, se faire sa propre opinion.

Une croyance entretenue au fil des siècles veut que ce soit le Roi Henri II, qui avait succédé à son père François 1er en 1547, qui, s'émouvant vraisemblablement de l'état sanitaire déplorable dans lequel se trouvait la ville, avait ordonné que fut édifié un Hôtel-Dieu dans le quartier des Barres, mais ce n'est peut-être qu'une légende car, pour Philippe Barrey, archiviste de la ville du Havre et membre éminent de la Société Havraise d’Études Diverses, « la construction du premier hospice havraisavait été entreprise grâce en partie aux deniersoctroyés par un marchand étranger dont l’identité nous est restée inconnue, etpour une autre partie grâce aux propres deniers du sieur Jean Videcoq » (4).

Il est vraisemblable que la proximité de ce premier Hôtel-Dieu avec le rempart nord-est lui valut d'être la victime des guerres de religion et qu'il fut détruit lors du siège de 1562-1563 qui devait permettre la reprise de la ville aux occupants anglais. Il fut reconstruit grâce, notamment, à un certain Jehan Danyel, capitaine quartenier qui, dans son testament, avait alloué une somme de 300 livres « pour être employée à faire construire et édifier un hôpital dans la ville du Havre de Grâce » (5). Fut-il reconstruit sur le même emplacement ou rue du Grand-Croissant ? Un doute subsiste au vu de certains documents, notamment un codicille au testament de Jehan Danyel qui entretient l’ambiguïté quant à l'emplacement du second établissement.

Malgré l'avancement des travaux et les aménagements progressifs entrepris pour faire reculer autant que faire ce peu les marécages et les eaux stagnantes dont était constitué l'environnement du nouveau havre, les maladies, et notamment la peste, continuaient à courir les rues de la cité et à faire des ravages parmi ses audacieux premiers habitants. Alors, pour tenter d'en préserver la ville, la municipalité se résout en 1585 à acheter une portion de pré pour y construire une « maison de santé ». « Le lieu choisi est situé sur les premiers contreforts de la falaise et relié à la chaussée d'Ingouville par un chemin également en chaussée, bordé de ruisseaux de drainage. », écrit Claire Étienne-Steiner dans un document publié par la Revue des Patrimoines en 2002 (6). Le but de cet achat hors les murs de la ville était d’y installer les pestiférés, à l’écart de la cité et de ses habitants. « Sur le terrain, relatent Max Bengtsson et Gilbert Betton dans leur ouvrage, fut construite une maison réservée pour le personnel, les malades quant à eux logeaient dans des abris faits de bric et de broc, la plupart en toile, les autres en planche qui portaient le nom de « calloges7 ».

 

lazaret saint Roch

Malgré le désintérêt notoire dont la municipalité faisait preuve à son égard, le lazaret connut quelques réaménagements notables. Ainsi, vers 1630, Il fut construit de nouveaux bâtiments et une chapelle fut édifiée, qui reçut le vocable de Roch, ce saint natif de Montpellier qui, dans la seconde moitié du XIVe siècle, guérissait, si l’on en croit sa légende, les maladies de peau et de toutes sortes de pestilence. En 1631, son clocher reçut une cloche que lui fit un donateur resté anonyme. Mais le pré de santé perdit sa raison d’être lorsque le nouvel hôpital, ouvert au pied de la côte d’Ingouville, qui avait, quelque temps auparavant, pris en charge l’administration du lazaret, décida d’assurer, vers 1670, l’accueil et la prise en charge des malades contagieux du Havre et de la région. C'était, je ne vous apprendrai rien, « notre » square Saint-Roch.

En 1591, nouveau coup de théâtre, si je puis m'exprimer ainsi. Usant selon toute vraisemblance de toute son influence, la veuve du Maréchal de Joyeuse obtint du gouverneur de la ville, André Brancas de Villars l'attribution des locaux qui abritait l'Hôtel-Dieu au profit des Capucins qui viennent, à son initiative, de s'installer au Havre. Et l’Hôtel-Dieu devint couvent… Il fallait donc trouver un nouvel emplacement, apte à accueillir les locaux d'un nouvel Hôtel-Dieu. Le choix de la municipalité se porte sur une parcelle de terrain proche des remparts d'Ingouville, à l'angle nord-ouest du vieux bassin.

 

img568

Les travaux, peut-être débutés dès 1591, n'étaient toujours pas achevés à l'aube du XVIIe siècle. Toutefois, il apparaît sur plusieurs plans de la ville, dont celui, célèbre, de Jacques Gomboust publié en 1657. On y distingue deux cours closes de murs qui en ceinture le pourtour. La première, petite et dépourvue de tout bâtiment, se situe à l'est de l'édifice. Une seconde cour, beaucoup plus grande que la première, et contenant les bâtiments, se trouve à l'ouest. Une partie du bâtiment en équerre borde à l'ouest la rue Françoise, du côté de la porte d'Ingouville, tandis que l'autre partie borde au nord la rue des Remparts. À l'angle sud-ouest de la bâtisse, s'élève une tour qui abritait vraisemblablement le clocher de la chapelle.

De l'organisation et du fonctionnement de ces deux, ou peut-être trois, Hôtels-Dieu, nous ne savons pas grand-chose. Jusqu'à preuve du contraire, aucun document n'est parvenu jusqu'à nous à ce jour qui permette de faire la lumière sur la façon dont la vie y était organisée. Tout ce qu'il est permis d'en dire, à notre connaissance, c'est que l'Hôtel-Dieu dépendait administrativement de la ville, que ses revenus étaient constitués de placements immobiliers (Eh oui, l'Hôtel-Dieu était propriétaire de plusieurs immeubles, dont certains sur la très cotée rue Saint-Michel, future rue de Paris) et de rentes, auxquels venaient s'ajouter le reversement de certaines amendes de police et le produit tiré de certaines confiscations.

 

Hôtel-Dieu

En 1669, Colbert décide d'affirmer et de renforcer la vocation militaire du Havre et de créer autour du vieux bassin un Arsenal. Est-ce lui qui prit la décision d'édifier le magasin général de cet Arsenal en lieu et place de l'Hôtel-Dieu ? Toujours est-il qu'un « échange » de terrains permet la construction d'un nouvel hôpital sur un terrain sis à Ingouville, à l'est de l'antique église Saint-Michel, « à l’emplacement d’un héritage planté appartenant au sieur Cousin »(8).L’établissement devint l'Hôpital général de la Charité de Saint Jean Baptiste du Havre, bien que situé sur le territoire, encore indépendant à l'époque, d'Ingouville. Constitué d'une chapelle et de quelques autres bâtiments disposés en quadrilatères qui lui valurent le surnom de cloître, il occupait grosso-modo l’emplacement actuel de l’hôpital Flaubert. Dirigé par des religieux jusqu’en 178o, il hébergeait au début du XVIIIe siècle environ 200 pauvres et malades. Cette même année 1669, le lazaret du pré Saint-Roch est rattaché au nouvel hôpital.

Coïncidence ou pas, en 1662, un édit de Louis XIV ordonnait la création d'un hôpital dans chaque ville et gros bourg « pour y loger, enfermer et nourrir les pauvres mendiants invalides, natifs des lieux ou qui auront demeurés pendant un an, comme aussi les enfants orphelins ou nés de parents mendiants ». Cette disposition avait donné naissance à une trentaine d’hôpitaux en France. Dont celui du Havre…

 

1) « La misère : son histoire, ses causes, ses remèdes », Jules Siegfried, 1877.

2) « Origines du Havre, description historique et topographique de la ville françoise et du havre de Grâce », Alphonse Martin, 1885.

3) « Regards sur quatre siècles de vie hospitalière au Havre », Philippe Manneville, 1994.

4) Jean Videcoq, marchand demeurant en la ville de Grâce, fut échevin ou conseiller de ville, de 1537 à 1582. Il habitait une maison sur le quai qui portait déjà le nom de quai Videcoq, presque à l’angle de la rue des Drapiers.

5) « Regards sur quatre siècles de vie hospitalière au Havre », Philippe Manneville, 1994.

6) « Quatre générations de lazarets au Havre », Claire Étienne-Steiner, Revue des Patrimoines, 2002.

7) « Saint-Vincent-de-Paul, quartier phare de la Porte Océane », Max Bengtsson et Gilbert Betton, 1999.

8) « Le Havre, ville, port et agglomération », Indicateurs du Patrimoine, 1999.

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