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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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6 février 2018

Les passe-temps d'antan

 

arton4241Le jeu de paume (Image source http://www.squashjeudepaume.com)

 

Il ne fait guère de doute que la nature du terrain et les aléas climatiques menèrent la vie dure aux premiers habitants du nouveau havre. Néanmoins, en dépit de ces conditions extrêmement pénibles qui présidaient à leurs jours, et à leurs nuits aussi sans doute, on peut penser qu’ils occupaient leurs rares moments de temps libre d’une manière aussi agréable possible. Toutefois, de ces « loisirs », nous ne retrouvons que fort peu de traces dans les récits que nous ont transmis les contemporains de ces premières heures.

 

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On peut malgré tout imaginer qu’ils s’adonnaient, outre les jeux de dés et de dames qui étaient très prisés dès le Moyen-Âge, aux jeux de balles qui connurent très tôt dans notre Histoire un réel et fort engouement. La Choule en est un exemple. Très en vogue aux XIIIe, XIVe et XVe siècle, ce jeu de balle au pied (Cela ne vous rappelle rien ? Vraiment?) consistait à garder sur son « territoire » une balle remplie de son.

Le jeu de paume est un autre exemple de ces jeux de balles. Son origine est sans aucun doute très ancienne aussi, puisque, à la fin du XIVe siècle, le prévôt de Paris était contraint de limiter la pratique du jeu de paume aux seuls dimanches « parce que plusieurs gens de métier et autres du petit peuple quittaient leur ouvrage et leur famille pendant les jours ouvrables, ce qui était fort préjudiciable pour le bon ordre public (1». Ce jeu, que l’on tient généralement pour être l’ancêtre de notre tennis, se pratiquait à l’origine en plein air, sans raquette pour les plus pauvres (2), avant que de vastes salles ne soient ouvertes, entièrement dédié à cette activité. On doit la première salle havraise de ce type au lieutenant du Gouverneur du Havre, André Brancas de Villars. Elle ouvrit ses portes à la fin du XVIe siècle dans la rue d’Édreville dans le quartier Saint-François. Une autre de ces salles dédiées au jeu de paume fut ouverte peu de temps après rue du Grand Pont des Barres, toujours dans le quartier Saint-François. Mais, souvenons-nous, avant cela… N’y avait-il pas un jeu de paume, nous dit Guillaume de Marceilles, sur la grande nef Françoise, ce navire si vaste qui ne put jamais sortir du port (3).

 

Entrée d'un 3 mâts

Nul doute que bien des Havrais suivirent à l’époque les tentatives infructueuses qui furent entreprises pour faire sortir la nef royale du port qui s’entêtait à la retenir prisonnière. Car, de tous temps, suivre le ballet des grands navires, qu’ils fussent à voile ou, plus tard, à vapeur, les manœuvres d’approche, de remorquage et de mise à quai de ces bâtiments venus des quatre coins du monde, ou y retournant, était l’une des distractions favorites des Havrais. Un spectacle qu’ils pouvaient suivre tout à loisir sur la jetée ou sur le front de mer, sur la place des Pilotes (l’ancienne place d’Armes), ou tout simplement sur le Grand Quai où accostaient journellement les traversiers de l’estuaire.

 

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Du côté du Perrey et de ses chantiers navals, les lancements des nouveaux bâtiments étaient à chaque fois des moments de grands rendez-vous qui réunissaient les foules. Et si les établissements de bain n’existaient pas encore (Du reste, même quand ils existèrent, ils furent le plus souvent réservés à une classe aisée), on descendait alors sur la plage, on trempait un pied pour prendre la température de l’eau, voire, qui sait, un peu plus, et on ramassait çà et là des cailloux fantaisies. Sur la place des Pilotes où se dressait le modeste bâtiment de la première Bourse du Havre, l’animation était permanente. Les Havrais venaient y admirer les troupes de la garnison en manœuvre et, « dans les belles nuits d’été, la place de la Bourse retentissait de refrains d’amour ; elle était couverte de marins et de jeunes filles qui formaient des rondes, en répétant les vieilles chansons de leurs aïeux ; Dans les réjouissances publiques, on y élevait un orchestre pour danser, tandis que sur un banc, près de la tour François-Ier, s’asseyaient les pilotes qui, ayant beaucoup vu, aimaient à raconter leurs voyages. Des concerts étaient donnés dans la salle de la Bourse, avec des prix des places élevés (4) ».

 

Phares 6

À moins qu’aux plaisirs iodés du bord de mer, certains préféraient la promenade offerte par les allées d’ormes de la chaussée d’Ingouville. « Là, vers la fin des beaux jours, les élégants, les jeunes femmes, aiment à se trouver réunis. Ils s’asseyent sur des sièges disposés parallèlement à l’allée, ou se mettent en cercle. Dans ce brillant essaim, de tendres sentimens donnent aux visages, un air plus gracieux, aux regards, une expression plus animée, aux paroles, je ne sais quoi de plus agréable (5) ». Une autre de leurs promenades préférées se situait sur la partie du rempart qui courait de la porte d’Ingouville à la porte Royale. Là, rapporte Alphonse Martin, « les arbres étaient grands et touffus, les allées vastes et spacieuses. Ce lieu était fréquenté par les vieillards et les infirmes, par de jeunes écoliers étudiant dans la solitude ou encore par des acteurs apprenant leur rôle avec des gestes appropriés (6) ». D’autres, désireux de fuir les « fureurs » de la ville, montaient jusqu’aux phares ou allaient jusqu’à Orcher. Là, goûtant les joies du pique-nique, se formait des rondes et s’organisaient des jeux de plein air.

Les marchés et les foires, apportaient eux aussi, leur lot d’animation et de distraction aux Havrais. Dès le 8 mai 1535, alors qu’il résidait à Vatteville, François 1er avait doté Le Havre de deux foires franches par an, d’une durée de quinze jours chacune, commençant la 1ère le lundi de Quasimodo et la 2e le 26 novembre, qui se tinrent, indique Alphonse Martin (7), sur les deux places communes que comptait alors la ville, la place d’Armes et la place du vieux-Marché (que l’on appelait alors la place aux Cannibales). Les deux marchés hebdomadaires qui se tenaient les mardi et vendredi sur ces mêmes places. Plus tard, la ville étouffant dans ses remparts et disposant par voie de conséquence de moins en moins d’espace disponible, il devint indispensable de « délocaliser » ces foires devenues au fil du temps un rendez-vous incontournable pour les Havrais. C’est en 1757, nous dit Claire Étienne-Steiner (8), que, pour la première fois se tint la foire à Ingouville. Un décret de Napoléon Bonaparte, paru en septembre 1803, officialisera la foire Saint-Michel qui se tiendra désormais annuellement, durant 30 jours à compter du 29 septembre. Cette foire se tint tout d’abord dans la cour de l’ancien couvent des Pénitents (Actuel parvis Saint-Michel), puis sur la chaussée d’Ingouville (entre la rue de Paris et la Banque de France). En 1837, un accord passé avec l’Hospice l’installe sur l’emplacement d’un vaste verger qui prendra bientôt le nom de « Champ de foire » avant de devenir la place Thiers. Manèges, boutiques, saltimbanques, ménageries, théâtres ambulants attiraient les foules. On venait à la foire de toute la Normandie et l’on compta jusqu’à 20 000 visiteurs en une seule journée.

Les cirques, eux aussi, connurent un énorme succès auprès des Havrais. C’est en 1814 que le premier cirque français fait son apparition à Ingouville, dans la cour de l’hôtel du Bras d’Or. L’année suivante, c’est au tour du cirque Grenier de s’installer au Havre, rue de Paris. On assista ensuite à plusieurs tentatives de sédentarisation du cirque au Havre. Après qu’un premier bâtiment de bois, construit à l’angle de la Grande Rue et de la place du Champ de foire, eut été démoli pour vétusté en 1872, il en fut construit un autre en 1880 à l’angle du boulevard de Strasbourg et de la rue Jean-Baptiste Eyriès, lequel, démoli à son tour en 1886, est aussitôt remplacé par le Théâtre-cirque, bâti en dur près du Palais de Justice. La nouvelle salle peut accueillir 2 900 spectateurs. Les cirques américains débarquent à leur tour : Barnum, que l’on ne présente plus, Buffalo Bill… Après la guerre de 1914, les cirques ont droit de cité sur la place Danton ou sur la place Thiers. Ce sont les grandes heures des Rancy, Amar, Médrano et autre Bouglione.

 

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Le Théâtre figure lui aussi en bonne place dans la longue liste des divertissements prisés par les Havrais. En 1727, un modeste théâtre avait été installé rue de la Halle. Il devait donner le coup d’envoi d’une longue Histoire qui devait trouver son aboutissement par la création d’un théâtre municipal. Une salle de spectacle voit le jour en 1740 dans un magasin de la rue de Paris, suivie en 1756 par un nouveau théâtre qui ouvre ses portes près de la porte Richelieu et qui sera détruit par un ouragan l’année suivante. Puis viennent l’ouverture d’un autre théâtre rue des Remparts (1766), la construction d’une salle de spectacle rue de la corderie (1772), puis l’inauguration d’un nouveau théâtre, établi sur un terrain situé sur les fossés de la Citadelle qui venaient d’être comblés. Cette salle, inaugurée le 16 octobre 1790, alors que celle de la rue de la Corderie venait de fermer ses portes, connut un réel et vif engouement, et ce en dépit de l’éloignement du centre-ville. Il sera détruit le 28 janvier 1810 par un incendie qui fera deux victimes. Mais il était écrit que l’histoire d’amour des Havrais avec le Théâtre ne saurait s’arrêter là. Bien au contraire, pour beaucoup, la présence d’un théâtre en ville était devenue une nécessité. Aussi, le 20 septembre 1810, on inaugurait une salle flambant neuf au 47 de la Grande Rue à Ingouville. Exceptionnellement, les soirs de représentation, la porte d’Ingouville restait ouverte jusque tard dans la nuit. Il convient aussi de signaler l’existence d’autres petits théâtres en ville, amateurs pour la plupart, comme ceux du quai Lambardie et de la rue d’Orléans.

Enfin, prenant conscience que Le Havre se devait d’être doté d’une salle de spectacle digne de ce nom, la Municipalité décide la construction d’un bâtiment dédié sur la nouvelle place Louis XVI, née de la mise en œuvre du plan Lamandé, face au bassin du Commerce. Le nouveau théâtre est inauguré le 24 août 1823. 1 600 places, toutes assises, un parterre et quatre galeries. Le vaudeville, la comédie, l’opérette et l’opéra sont au programme. Le 29 avril 1843, un incendie ravage le bâtiment. Reconstruit, il rouvre ses portes l’année suivante. Plus grand, plus beau, la Comédie (C’est ainsi qu’on l’appelait jusqu’alors) devient le Grand Théâtre. Il sera broyé par les bombardements de juin, puis de septembre 1944.

Et puis, il y avait les guinguettes où, chaque fin de semaine, on venait se divertir, telle la chaumière dite « de Bellevue », au hameau de Tourneville. Initialement destiné à la « haute » société avec ses feux d’artifices, ses concerts d’harmonie, ses ascensions de ballon et ses exercices de saltimbanques, cet établissement s’était finalement résigné, au vu du déficit de fréquentation, à ouvrir ses portes à un public plus modeste. Même si les fêtes qui y étaient donnés n’avaient plus le même faste, ses jardins, ses bosquets et ses ombrages offraient aux Havrais un cadre des plus agréables. Les riches bourgeois et les négociants, quant à eux, préféraient de beaucoup se réunir dans les cercles de lecture où ils pouvaient tout à loisir prendre connaissance des dernières nouvelles grâce aux journaux de Paris ou jouer aux cartes. Brillantes soirées en ville et grandes fêtes à la maison de campagne étaient aussi au programme des réjouissances de ces gens dont le port et le commerce avaient bâti la fortune.

 

1) http://www.squashjeudepaume.com

2) De là vient l’expression « Jeu de mains, jeu de vilains »

3) « Mémoires de Guillaume de Marceilles, La première Histoire du Havre », Hervé Chabannes, Jean-Baptiste Gastinne, Dominique Rouet, Yves Boistelle, 2012.

4) « Promenades et distractions des Havrais en 1821 », Alphonse Martin, Recueil de la S.H.E.D., 1921.

5) « Description du Havre, ou Recherches morales et historiques sur les habitans, le port et les principaux établissemens de cette ville », Auguste-Prosper Legros, 1825.

6) « Promenades et distractions des Havrais en 1821 », Alphonse Martin, Recueil de la S.H.E.D., 1921.

7) « Origines du Havre, description historique et topographique de la ville françoise et du havre de Grâce », Alphonse Martin, 1885.

8) « Le Havre, un port, des villes neuves », Claire Étienne-Steiner, 2005.

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Commentaires
G
Un beau "recensement" de tout ce qui peut construire un peuple au-delà du travail.... Des jeux populaires, comme des jeux pour les gens aisés... des lieux de vie, des lieux de rencontres... ceux qui prenaient l'air au cap de la Hève, devaient certainement en ressortir "décoiffés"... il fallait bien enfoncer les piquets des tentes :-)<br /> <br /> Merci pour ce bon moment de lecture
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