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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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27 août 2017

François 1er et Le Havre

 

Visite François premier

Dubocage de Bléville l’affirme avec force et conviction dans le premier chapitre de ses « Mémoires » : « François Premier n’en fut point le fondateur, ainsi qu’on le croit communément :Le Havre qui existoit longtems avant lui, a cela de commun avec la plûpart des autres villes, qu’on en ignore absolument la véritable origine(1) » ; Philippe Barrey le rappelle : « sous Charles VII, une commission du Grand Conseil, accompagnée d’experts, avait inspecté les anses et les estuaires de Normandie sans trouver d’emplacements satisfaisants » ; Il ajoute un peu plus loin : « en janvier 1477, le général de Savoie et le lieutenant-général du bailli de Caux furent chargés par Louis XI d’une mission analogue(2) » ;et un mandement donné en 1513 par Louis XII au seigneur du Chillou de « faire mectre sus (la marine anglaise) une grosse et puissante armée de mer, garnie et équippée de bon et grant nombre de navires, lesquieulx nous faisons advitailler, armer et équipper(3) » semble bien indiquer que lui aussi avait à l’esprit la création d’un havre suffisamment spacieux pour qu’une telle flotte puisse s’y mettre à l’abri. Toutefois, en dépit de tout cela, il ne saurait être nullement question de déchoir le « le Roi-touriste(4) » de la paternité de la cité océane.

 

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Car cela ne fait aucun doute, c’est bien lui, François 1er, qui confia à l’un de ses compagnons de jeunesse, devenu l’un de ses plus proches conseillers, Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, la tâche de procéder à une enquête dans le but de déterminer un lieu sûr et convenable où il conviendrait de construire un port qui interdirait l’accès en Seine aux ennemis du royaume, tout en répondant à l’assemblée des États de Normandie qui appelait de ses vœux la création d’un nouveau port de commerce. On le sait, Bonnivet et les « autres notables, personnages en ce expérimentés et entendus » portèrent finalement leur choix sur le lieu dit « de Grasse ».

C’est encore au même Bonnivet que le Roi confiera le soin de mener à bien la création de ce nouveau havre dans l’estuaire de la Seine. Mais tout amiral de France qu’il fut, Gouffier de Bonnivet, familier du Roi, était plus un conseiller, un courtisan, qu’un marin, rompu aux choses de la mer. C’est pourquoi, à son tour, il « délègue », confiant au sieur Guyon Le Roy, seigneur du Chillou, présentement capitaine du port d’Honfleur, le soin de mettre en œuvre le dessein royal.

Soyons clair, cela n’a pu se faire qu’avec l’aval du souverain. Du reste, pour convaincre ceux qui en douteraient malgré tout, il suffit de se référer à cet acte dans lequel le Roi déclarait qu’il avait ordonné à Guyon Le Roy de « se transporter pour aucune noz affaires en nostre pays et duché de Normandie ». Il est aisé d’en déduire, même si ce n’est pas explicitement formulé, qu’il est bel et bien question du projet de création du port du Havre.

Selon Alphonse Martin, François 1er n’avait qu’une foi médiocre dans les chances de réussite de l’entreprise. L’historien havrais en voit la meilleure preuve en ces lettres données à Mauny, en août 1517 dans lesquelles le Roi faisait « don à Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, amiral de France, des droits qui seront perçus au Havre-de-Grâce, et ce en récompense des services qu’il a rendus au Roi dans la construction du port à la charge d’entretenir les lanternes aux tours(5) ». Il n’en reste pas moins que le souverain se montre rapidement très attentif au devenir de « son » port, notamment lors des différentes visites qu’il rendit à la ville et à son port.

Sans que l’on en ait la preuve formelle, il est plus que vraisemblable qu’il était au Havre entre le 26 et le 30 août 1517. On sait de façon certaine que, venant d’Abbeville, il était à Dieppe du 22 au 24 juillet, puis à Rouen du 14 au 26 août, enfin, à Mauny le 28 août. On n’imagine pas une seconde, qu’étant si près du port en gestation, il n’ait pas cédé à l’envie, sans doute irrésistible, de venir faire une petite « visite de chantier ».

 

Acte de naissance

Dans l’entrefaite, apparemment à l’insu du Roi de France, dont le projet se limitait à l’origine à la seule réalisation d’un port, le vice-amiral Du Chillou, « achetant » aux paroissiens d’Ingouville des terres qui ne leur appartenaient pas, entreprit d’y édifier une ville. Du Chillou a-t-il vraiment mis le Roi devant le fait accompli ? De quels arguments le vice-amiral a-t-il usé pour convaincre le souverain de se ranger à ses vues ? Le voyage de son lieutenant, Jacques d’Estimauville, à Argentan le 8 septembre 1517 où il rencontra le Roi avait-il pour seul objectif de rallier le souverain à son projet ? Se peut-il que François 1er, lors de sa visite du mois d’août, n’ait rien vu, rien entendu, rien su, de ce qui était en train de se tramer ? Toujours est-il que le Roi signait le 7 octobre 1517 la charte qui officialisait la création de la ville, accordant au passage à ses habitants pour les dix années à venir l’exemption de taille et de gabelle, et leur accordant le franc-salé.

Une autre visite royale, la seconde que l’on a longtemps, sans doute à tort, considérée comme étant la première, a eu lieu au mois d’août 1520. Constatant de visu le peu de motivation des nobles et des marchands à venir habiter dans la nouvelle cité, le Roi décide d’accorder à perpétuité les exemptions qu’il avait accordées pour 10 ans en 1517.

À la fin de cette année 1520, le seigneur de Graville intenta un procès à du Chillou dont l’arrêt définitif, rendu le 13 mai 1524, condamna le vice-amiral à restituer au plaignant les terres acquises sept années plus tôt, à restituer les sommes indûment perçues des terrains fieffés, et à payer tous les dépens du procès. Du Chillou, totalement déconsidéré et ruiné, n’eut d’autre choix que de quitter ses fonctions et la ville. On ne sait quelle fut la réaction du souverain face à ce qui constituait pour lui, d’une certaine façon, un revers, revers auquel vient bientôt s’ajouter une nouvelle désillusion, lorsqu’il lui est rapporté que beaucoup de bourgeois ont acheté au Havre des terrains afin de bénéficier des avantages fiscaux, mais qu’ils se refusaient à y habiter. Le 15 mai 1527, le Roi fait publier des lettres patentes qui limiteront les exemptions d’impôts aux seuls propriétaires d’une maison bâtie dans laquelle ils résideraient effectivement.

 

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Il est établi que François 1er revint au Havre en l’année 1531/1532)(6), mais on ignore la date précise de ce voyage. Cette visite est attestée par un mandement de François 1er daté de Honfleur le 11 mars 1531/1532, où il ordonne « au Trésorier de l’Épargne de payer à Jehan de Vimont, trésorier de la Marine, une somme de 555 livres tournois destinée à l’entretien de la galéace du Roi » qui ont acheminé la Reine de Quillebeuf au Havre. Il en profitera pour confirmer les lettres patentes qui supprimaient les taxes dites de prévôté et pour augmenter, toujours et encore, les franchises accordées à ses habitants par les chartes de 1517 et 1520. Venu principalement pour superviser le chantier des fortifications de la ville, il est probable qu’il en ait profité pour superviser l’achèvement de la grande nef Françoise et de douze autres navires, dont la construction avait été confiée aux chantiers navals du port du Havre. Même après avoir quitté la ville, le port et la cité, leur développement, les améliorations nécessaires et leur prospérité ne quittaient guère les pensées du souverain. Le 8 mai 1535, alors qu’il résidait à Vatteville, il dote Le Havre de deux foires franches par an, d’une durée de quinze jours chacune, commençant la 1ère le lundi de Quasimodo et la 2e le 26 novembre. En même temps, le Roi faisait délivrer un mandement « au trésorier de l’Épargne, de payer, à Claude Guyot dix mille livres pour la construction du port du Havre. Le 15 juin 1537, il ordonnait que 1,500 livres tirés des revenus temporels de l’abbaye de Saint-Ouen seraient employés pour la construction d’un « espy » au Havre-de-Grâce, pour la sûreté et la conservation du port. Une autre somme de 1,200 livres prélevée sur les mêmes ressources, fut affectée, cette même année 1537, aux réparations et à la réfection de l’église du Havre-de-Grâce.

 

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De juillet à décembre 1540, François 1er séjourne successivement à la Mailleraye, à Évreux, au Neubourg, à Vatteville, et finalement à Rouen. Étant si près du Havre, n’est-il pas venu s’enquérir de l’état de la ville et de son port ? Des lettres, enregistrées à la chancellerie de France, datées du Havre-de-Grâce en juillet 1540 paraissent confirmer cette escale royale. Constatant l’anarchie et le chaos qui avaient présidé durant des années à l’édification de la ville, et que la seule préoccupation du seigneur de Graville consistait à organiser la collecte des impôts dont il avait, bien entendu, tout le bénéfice, il dut en être bien déçu. Sans doute est-ce face à ce double constat qu’il prit la décision de réunir le territoire de la ville au domaine de l’État et de confier à un ingénieur siennois, Géronimo Bellarmato, la mission d’examiner les travaux à effectuer pour rendre à la cité un semblant de cohérence et d’urbanisme. On le sait, l’œuvre de Bellarmato permettra de remettre un peu d’ordre dans le désordre du quartier Notre-Dame et de créer un nouveau quartier aux règles de construction cohérentes et strictes, le quartier Saint-François.

François 1er fit une dernière visite au Havre le 13 juillet 1545. Venu assister au départ pour l’Angleterre de l’armée navale rassemblée dans la baie, il fut hébergé de nouveau à Harfleur, cette fois parce que l’agitation et l’encombrement de la Ville, qui grouillait de marins, de soldats et d’ouvriers de tous métiers, le lui avaient imposé. François 1er assista au départ de sa flotte sur les hauteurs du Chef-de-Caux, d’où il vit arriver quelques navires anglais qui tirèrent à plusieurs reprises dans sa direction. Le Roi préféra alors retourner à Harfleur où il résida jusqu’au 17 juillet, avant de regagner Vatteville, où il s’arrêta du 20 au 27 juillet 1545.

François 1er est mort le 31 mars 1547 à Rambouillet. Il avait 52 ans. Ainsi, Le port et la ville du Havre n’avaient plus d’autre choix que de continuer à grandir sans celui qui avait tant contribué au rayonnement de la cité océane…

1) « Mémoires sur le port, la navigation, et le commerce du Havre de Grâce, et sur quelques singularités de l’Histoire naturelle des environs », Michel Dubocage de Bléville, 1753.

2) « Origine et fondation du port et de la ville du Havre », Philippe Barrey, Commémoration du IVe centenaire du Havre, publications de la Société Havraise d’Etudes Diverses, 1916.

3) « Documents relatifs à la fondation du Havre », Stéphane de Merval. 1875.

4) C’est ainsi que le qualifie René Guerdan dans son « François 1er », car, dit-il, « il ne peut longtemps rester dans le même endroit ».

5) « François 1er au Havre », Alphonse Martin, 1893.

6) Pour rappel, jusqu’en 1564, l’année débutait le jour de Pâques, soit entre le 22 mars et le 25 avril. Ici, il s’agit de l’année 1531 selon l’ancien calendrier, 1532 selon le nôtre.

 

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