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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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22 juin 2017

Des bassins et des Docks

Docks entrepôts (2)

Nous l’avons vu, au XIe siècle, s’était constitué autour de la fosse de Leure un petit village de marins, de pêcheurs et de palétuviers. Située à l’endroit où la rivière Lézarde rejoint l’estuaire de la Seine, cette crique en eau profonde, abritée des assauts de la mer par des amas de galets, servit très tôt d’avant-port à Harfleur, alors port royal. Dans cette crique naturelle, les bateaux trouvaient un abri sûr et ceux qui étaient trop volumineux pour remonter la Seine ou la Lézarde, y étaient allégés ou déchargés. C’est là une situation qui perdurera jusqu’au XVe siècle…

Mais la fondation du port du Havre, au début du XVIe siècle, allait tout bouleverser, tout remettre en question. Peu à peu, le port d’Harfleur fut abandonné et avec lui la grande crique de Leure qui ne fut plus, durant les trois siècles qui suivirent qu’un modeste petit hameau retiré, loin de tout et oublié de ces gens de la nouvelle « grande ville » pourtant si proche. Il ne comptera bientôt plus que quelque 200 habitants vivant de l’agriculture et de l’élevage. C’était à peine si l’on se souvenait que, durant la guerre de cent ans, le village originel, payant au prix fort sa position de place fortifiée dans l’estuaire du fleuve, avait été totalement détruit, puis reconstruit un peu plus à l’ouest dans la plaine alluvionnaire, un peu plus près de la voisine havraise.

 

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Il faudra attendre 1838 pour qu’il refasse parler de lui. Au Havre, sa grande voisine, l’heure est au grand chambardement, à l’explosion économique et au boum démographique qui devait l’accompagner. Le port, devenu trop exigu, s’agrandit, repousse ses limites, se déplace vers l’est… et vers Leure, devenue entre temps « L’Eure » par on ne sait quel tour de passe-passe étymologique. Jour après jour, les bassins se creusent, les docks se construisent, les usines s’implantent. Un nouveau quartier sort de terre, conséquence directe de la révolution industrielle du XIXe siècle et des besoins économiques et commerciaux qui ne cessent de croître. Les entrepôts et les usines poussent à tout-va, sans logique, sans véritable plan d’ensemble. Les nouvelles installations se côtoient, cohabitent tant bien que mal, s’entremêlent.

Et puis, l’essor économique que connaît Le Havre au milieu du XIXe siècle ne va pas sans poser quelques problèmes d’ordre structurels et logistiques au négoce et au trafic maritime. Malgré la mise en service des bassins du Commerce et de la Barre, les installations portuaires demeurent notoirement insuffisants et les voix des négociants se font de plus en plus entendre, de plus en plus vives, de plus en plus pressantes, pour que soient entrepris les travaux nécessaires à la réalisation des nouveaux bassins que nécessitent des besoins en constante augmentation. « Entre 1827 et 1847, le nombre des navires fréquentant Le Havre double et leur jauge totale triple . 1», remarque Jean-PierreChaline dans « Histoire du Havre et de l’estuaire de la Seine ».

 

Docks entrepôts

Même si l’impérieuse nécessité et l’urgence de réaliser ces travaux n’échappent à personne, c’est une fois de plus le nerf de la guerre qui entrave les différents projets. Car les moyens financiers font cruellement défaut, hélas ! Les fonds, avancés au coup par coup par l’État, arrivent au compte-gouttes. Une fois encore, ce sont les négociants qui vont mettre la main à la poche, comme le rappelle Claire Étienne-Steiner dans « Le Havre, un port, des villes neuves » : « La Chambre de Commerce du Havre, qui réclame toujours plus de bassins, suit la progression des travaux et avance les fonds. 2». Les différents chantiers, menés notamment par l’ingénieur en chef du port Pierre-François Frissard, sont enclenchés dès 1839 par l’élargissement du canal Vauban qui est transformé en bassin à flot.

Agrandi en 1841, le bassin Vauban est inauguré cette même année, mais il faudra encore attendre deux ans pour que les quais en soient pavés. Sur son quai sud, ont été construits en 1843 les magasins Périer, puis, à partir de 1856, les docks-entrepôts dont la conception avait été inspirée dès 1834 à l’ingénieur Frissard et à l’entrepreneur Ladvocat par les docks qui existaient déjà en Angleterre et aux États-Unis. Nous en reparlerons un peu plus loin. Le quai Colbert, quant à lui, situé au nord du plan d’eau, servait au déchargement du charbon, avant que des bateaux norvégiens ne viennent, à compter de 1880, y décharger leurs blocs de glace. Endommagé pendant la seconde guerre mondiale, le bassin sera restauré.

 

Les docks

En 1845, est commencée la transformation de la retenue de Floride, qui avait été mise en œuvre par le plan Lamandé pour lutter contre l’envahissement de l’avant-port par les galets. Devenu bassin à flot, il sera inauguré en 1855. Le « nouveau » bassin communique avec le bassin de l’Eure, qui a été creusé dans les fossés de la Citadelle, et qui est, lui aussi, mis en service la même année. Le bassin de Floride disparaîtra en 1907 pour laisser la place au quai d’Escale et à l’écluse Quinette de Rochemont. De son côté, le bassin de l’Eure est une plaque tournante qui communique avec les bassins Bellot, Vauban, de la Citadelle et des Docks. On y remarquait la présence de plusieurs formes de radoub dont la première avait été construite en même temps que le bassin. Jusqu’en 1910, il abritait les navires transatlantiques et, sur ses quais, avait été dressé la première gare maritime, un simple hangar en bois que l’on avait baptisé « tente des transatlantiques ».

En 1857, le bassin des Docks est mis en chantier. Là encore, c’est l’ingénieur en chef Frissard qui est à la manœuvre. Il sera inauguré en 1860. Bordé au nord par le quai des Antilles, au sud par le quai de la Réunion, il est desservi dès 1868 par une voie ferrée. De nos jours, il a été rebaptisé « Bassin Paul Vatine », en hommage au navigateur havrais disparu tragiquement au large des Açores le 21 octobre 1999.

 

Le pont des docks

Mis en chantier en 1864 à l’initiative de la Chambre de Commerce, creusé sur l’emplacement auparavant occupé par la Citadelle du cardinal de Richelieu auquel il doit son nom, le bassin de la Citadelle communiquait avec l’avant-port et disposait de trois bassins de radoub. Deux d’entre eux seront comblés en 1992 pour permettre l’édification de la nouvelle gare maritime du terminal trans-manche. L’écluse est inaugurée en 1866, le pont mis en service en 1869 et le bassin est ouvert en 1871.

En 1884, c’est au tour du bassin Bellot d’être mis en chantier. Il a été inauguré en 1887, en même temps que le canal de Tancarville dont nous reparlerons dans un futur billet. Les quais du Tonkin et de Pondichéry serviront au déchargement du coton jusqu’en 1910.

Au XXe siècle, l’extension du port se poursuivit par le creusement de nouveaux bassins. Vétillard en 1904. Théophile Ducrocq en 1911… En 1967, c’est le percement de l’écluse François 1er qui ouvrait de nouvelles perspectives d’agrandissement pour le port. Puis ce fut Port 2000…

 

Les docks café

Mais revenons à nos moutons… Euh, à nos docks-entrepôts, plus exactement. Donc, dès 1834, étaient apparus des projets d’entrepôts, fortement inspirés, il est vrai, par ceux qui existaient déjà en Angleterre et aux États-Unis. En 1843, Joseph Périer, qui avait acheté des terrains au sud du bassin Vauban, y avait fait construire des magasins. En 1856, la compagnie Périer devenait la Compagnie des Docks-Entrepôts. L’inauguration officielle des installations eut lieu en 1868, mais il fallut toutefois attendre 1884 pour que l’ensemble des Docks, dont la superficie totale était de 285.640 m², ne soit totalement achevé. Voici la description qu’en faisait Charles Vesque en 1876 dans son « Histoire des rues du Havre » : « Les Docks-Entrepôts ont été livrés au commerce le 9 mars 1857. D’après des renseignements pris en 1868, ils occupaient 232.555 mètres de superficie, divisés en cent quarante-quatre magasins, pouvant contenir plus de 100.000 tonnes de marchandises ; seize caves, pouvant contenir 7.000 hectolitres de vins et spiritueux ; neuf magasins, pouvant contenir 30.000 barils de pétrole. Les cours couvertes occupent à elles seules 25.000 mètres de terrain ; 5.000 mètres de voies ferrées sillonnent les quais et cours, etc. L’établissement est clos par 1.860 mètres de murs. On a calculé que les Docks du Havre ont le double de superficie de celui de Sainte-Catherine, de Londres.3 »

 

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Le quartier de L’Eure est entré dans le XXIe siècle de plain-pied. Tournant résolument le dos à leurs riches heures passées, sans pour autant les renier, les Docks ont amorcé une profonde mutation qui devait aboutir à la réhabilitation d’un quartier qui se veut tout entier tourné vers l’avenir. De nouveaux immeubles d’habitation symbolisent la modernité « nouvelle » de ce quartier historique trop longtemps délaissé, tout comme la construction d’une piscine d’avant-garde (Les Bains des Docks), de l’école nationale supérieure maritime, l’arrivée d’une antenne de Sciences-Po et d’un INSA, la transformation des entrepôts en salle de sport et de spectacle (Docks Océane), en centre commercial (Docks Vauban), en palais d’exposition et en centre de congrès (Docks Café), et, enfin, la création d’un jardin fluvial qui s’étire le long des quais de la Marne et de Saône, en ont fait un centre d’activités incontournable.

1) « Histoire du Havre et de l’estuaire de la Seine », Collectif, 1983.

2) « Le Havre, un port, des villes neuves », Claire Étienne-Steiner, 2005.

3) « Histoire des rues du Havre », Charles-Théodore Vesque, 1876.

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