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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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1 mai 2017

Les moulins d'Ingouville

 

FRAC076351_5Fi0052L'entrée du port (Image extraite de "Le Havre d'autrefois", Alexis Lemale, 1883), où l'on peut voir l'un des moulins du Perrey.

 

 

Comme l’a fort justement souligné Philippe Barrey dans un document publié à l’occasion des commémorations du quatrième centenaire du port et de la ville, la présence de moulins sur le territoire d’Ingouville est pour le moins aussi ancienne que la cité océane : « Depuis sa création en 1517, la ville du Havre était environnée de moulins à vent, tous en charpente sur socle en maçonnerie, localisés entre les fortifications et la mer au Perrey (4 moulins en 1530, 5 en 1551, 6 en 1640), le long de la chaussée d’Ingouville (1 en 1551, 6 en 1600, 8 en 1673) et enfin autour de la mare aux Huguenots (3 moulins neufs en 1764).1 ». Nous allons tenter de retracer brièvement leur Histoire.

On ne s’étonnera évidemment pas que cette langue de terre, entre la plage et la ville, fut le premier site choisi pour y élever des moulins à vent, « d’un type rudimentaire, constitués d’une guérite montée sur un pivot conique et orientés selon l’orientation du vent, à l’aide d’une grande barre à laquelle on pouvait atteler une bête de somme2 ». C’était, il est vrai, le site idéal, là où le vent, les Havrais le savent bien, répond toujours présent, quelle que soit la saison, quelle que soit la météo, et où il donne sa pleine mesure. Là aussi où il se fait, lorsqu’il se met en colère, le plus violent, le plus menaçant. Et l’on imagine que les redoutables tempêtes qui, régulièrement, viennent frapper de plein fouet la pointe de Caux durent leur causer, souvent sans aucun doute, quelques dégâts. Il nous vient immédiatement à l’esprit, bien évidemment, cette terrible mâle-marée du 15 janvier 1525 qui submergea entièrement la ville naissante, emportant tout sur son passage. Mais, même si elle marqua durablement les esprits, les moulins du Perrey, placés en première ligne, durent en subir bien d’autres, à n’en pas douter.

Et, à ces aléas climatiques, il faut ajouter les entreprises belligérantes qui, souvent, ne les épargnèrent guère non plus. Ainsi furent-ils victimes des combats qui opposèrent Français et Anglais durant le siège qui permit en 1563 aux troupes menées par le maréchal de Brissac de bouter l’occupant hors les murs de la ville. Les hommes du comte de Warwick, estimant qu’ils représentaient une menace pour la défense de la cité, en démolirent trois pour « ne pas les laisser à l’ennemi ». Mais, cette fois, leur disparition fut de courte durée. Sitôt la ville libérée, les meuniers, loin de baisser les bras, s’empressèrent de les rebâtir. Et, sur le plan de la ville réalisé en 1583 par Jacques de Vaulx, apparaissent cinq moulins, disposés le long du rempart, entre la porte du Perrey et le bastion de Sainte-Adresse.

Proches de la chaussée d’Ingouville, qui, au sortir de la porte Richelieu, conduisait au village accroché au flanc de la falaise et à ce carrefour où s’amorçaient les routes de Montivilliers et de Rouen, s’élevaient d’autres moulins. On en compta jusqu’à huit (en 1673), mentionnés par Claire Étienne-Steiner dans « Le Havre, un port, des villes neuves » : « Les huit moulins de la chaussée d’Ingouville, implantés sur des îlots ou des presqu’îles, servent aussi à assécher les marais, selon une technique apportée par des ingénieurs hollandais.3 ». Il est vrai que la Hollande, très tôt, était passée maître dans ce domaine et dans l’art de conquérir des terres sur la mer.

On notera également la présence d’un moulin dans la citadelle au XVIIe siècle, semble-t-il, un autre, « intra-muros », situé derrière la porte d’Ingouville et à un endroit indéterminé, un autre encore, qui fut donné, en ce qui concerne ce dernier, par un généreux notable à l’église Notre-Dame. Un autre, enfin, situé sur la côte qui dominait le vallon de Sainte-Adresse. Celui-ci était encore bien présent au début du XIXe siècle. Le chemin qui y conduisait s’appelle encore de nos jours « Sente du Moulin », entre les rues du Général de Gaulle et de la Résidence, à Sainte-Adresse. En 1759, il ne restait que deux moulins sur la chaussée d’Ingouville. En août 1781, disparaissait le dernier d’entre eux, qui n’avait plus été utilisé depuis de longues années.

Quant aux moulins du Perrey, ils vécurent assurément, et c’est le moins que l’on puisse dire, bien des tribulations. Sur la Représentation du « Roy sur la hauteur d’Ingouville »(C’était le 20 septembre 1749, pour être précis), des sixmoulins recensés en 1640,il n’y en a plus qu’un seul sur le bord de mer, près de la jetée. Dix ans plus tard, en 1759, l’artiste qui immortalise le « Bombardement du Havre par la flotte anglaise » y représente deux moulins proches de la mare aux Huguenots. En 1776, sur deux autres vues de la ville, apparaissent les quatre moulins qui y demeureront jusqu’au milieu du XIXe siècle. Mais leur emplacement semble ne plus être tout à fait le même. À première vue, les moulins qui se dressaient près de l’entrée du port se sont déplacés plus au nord, à proximité de la mare aux Huguenots. Sont-ce les mêmes ? Que s’est-il passé ? Tentons ensemble de le comprendre et de l’expliquer.

Dans le courant du XVIIIe siècle, les moulins du perrey d’Ingouville, proches de l’entrée du port donnèrent leurs derniers battements d’ailes. Sans aucun doute usés, tant par des années et des années de bons et loyaux services que par les assauts incessants de la mer et du vent, ils cessèrent, les uns après les autres, de fonctionner, avant de disparaître. On abattit le dernier d’entre eux, désaffecté à cette époque depuis bien des années, en 1781. On le voit, c’était peu de temps avant que l’on décide de mettre en application le plan de l’ingénieur Lamandé. Dans son volumineux ouvrage consacré à l’« Histoire des rues du Havre »,Charles Vesque explique que les moulins disposés le long de la chaussée d’Ingouville constituaient un obstacle aux projets de construction des nouvelles fortifications et qu’il fut donc décidé de les déplacer. Voici ce qu’il écrit à ce sujet : « Un entrepreneur, M. Déhais, offrit alors de les reculer sans les abattre. Les moulins, soulevés de leurs assises, furent placés sur des rouleaux et poussés jusqu’au lieu de leur nouvel emplacement, en présence d’une foule immense, de curieux et aux cris mille fois répétés de « Vive le Roi ! ». Le fait nous a été rapporté par le fils de l’entrepreneur.4 ». Voici donc comment des moulins ont fait, fiers et debout, le délicat voyage qui les a conduits de la chaussée d’Ingouville au Perrey.

Mais les moulins du Perrey n’en avaient pas fini avec l’Histoire. Le 15 juillet 1789, les émeutiers havrais, excédés par l’attitude des négociants et des échevins (C’étaient le plus souvent les mêmes, du reste) qui refusaient obstinément de satisfaire à leurs justes revendications concernant la cherté du pain, s’en prirent aux moulins, (mentionnés dans un document de 1788 par les noms de leurs exploitants, Buquet, Ancel, Lemesle et Marais), pillant et saccageant deux d’entre eux et un magasin de farine qui se trouvait non loin de là, après avoir pillé le magasin de blé de la maison des Pénitents.

Mais le rattachement du perrey d’Ingouville à sa puissante voisine, en 1852, et l’urbanisation du quartier allaient malheureusement être fatals aux moulins à vent qui avaient joué, plusieurs siècles durant, un rôle majeur et essentiel dans la vie des habitants du Havre et de sa banlieue. Des moulins qui donnaient au quartier et au bord de mer un cachet et un charme incomparables, et que de nombreux tableaux, aquarelles et lithographies ont immortalisés. Le dernier d’entre eux sera démoli en 1862. De nos jours, la rue des Moulins, face au port de plaisance, perpendiculaire au boulevard Clémenceau, rappelle de façon très symbolique l’emplacement où, jadis, ils offraient leurs grandes ailes déployées où, tous les jours, ils avaient donné rendez-vous aux vents venus de la mer.

1) « À travers Le Havre d’autrefois », Philippe Barrey, Commémoration du IVe centenaire du Havre, 1916.

2) « Quand les moulins tournaient sur le perrey d’Ingouville », Edgar Poulet, 1924.

3) « Le Havre, un port, des villes neuves », Claire Étienne-Steiner, 2005.

4) « Histoire des rues du Havre », Charles-Théodore Vesque, 1876

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Commentaires
G
Sur mon blog une question se posait sur les moulins du Havre.... quand arriva votre post ! Merci beaucoup... une réponse à nos questions :: les moulins étaient-ils utiles pour moudre le grain ou pour pomper l'eau des marais ? J'ai mis vos références dans les commentaires de mon blog... ainsi les questionneurs auront leur réponse en direct.
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