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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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8 mars 2017

Le havre de Grâce

 

marais

 

 

Qu’y avait-il précisément sur ce fameux site de la crique dite « de Grâce », composé en fait de trois plans d’eau navigables à marée haute dont l’un deviendra l’avant-port du Havre tandis qu’un second abritera le bassin du Roi ?1 Y avait-il un havre avant Le Havre ? N’y avait-il là, comme on le dit et le pense généralement, que des marais et des vasières où seul le bétail des habitants d’Ingouville avaient droit de cité ?

Vraiment ? Plusieurs sources nous indiquent que ces criques servaient alors d’abri aux navires de petit tonnage qui venaient y trouver un havre de repos et d’échouage. Et certaines mentionnent même la présence, bien avant la création du Havre, d’une chapelle dédiée, déjà, à Notre-Dame de Grâce, peut-être à l’emplacement même où se dresse de nos jours la cathédrale. « Cette vieille chapelle fut pauvre et simple comme la population qui l’avait élevée. D’abord, elle était de bois comme leurs bateaux, et couverte de chaume comme leurs maisons. Enfant des pêcheurs, elle en partageait la vie.2 » Se serait-on donné la peine d’édifier un lieu de culte, aussi rudimentaire soit-il, s’il n’y avait pas eu quelques paroissiens pour le fréquenter ?

À ce sujet, l’opinion d’Alphonse Martin est on ne plus claire et nette : « il est certain que, jusqu’à la fondation du nouveau havre, l’ancien avait été habité.3 » Et, lors de l’enquête de 1532, Jehan de Marceilles, le père du premier chroniqueur havrais, déclarait : « Les terres du nouveau havre étaient de petit prix et le fond de nulle valeur parce qu’aucuns n’y hantaient, ni habitaient, excepté qu’à l’endroit du vieil havre qui estaient en autre lieu que le havre neuf.4 »

Autre témoignage, celui de Jean Laignel5, retrouvé, il est vrai, dans un ouvrage écrit en 1711, mais qui n’en a assurément pas moins de valeur : « Du côté où est à présent la gettée (sic) du sud, il y avoit eu autrefois un grand nombre de maisons qu’il convint de démolir et lever de là. » Sur une représentation de la crique de Grâce datée de l’an 15006, On voit clairement un groupe d’habitations regroupées autour d’une chapelle à la pointe sud d’une langue de terre qui s’étend jusqu’à la mer.

Dans l’ouvrage qu’il a publié à l’occasion du quatrième centenaire du Havre, Alphonse Martin consacre un long chapitre à ce havre avant Le Havre7. En voici quelques extraits : « Toutefois, à peu de distance de l’écore du marais de Graville et suivant la courbe de ce marais, il existait un grand chemin du Roy partant du château de Graville, passant près de l’église de Leure et du premier havre de Grâce, et aboutissant au Chef-de-Caux (…) Au sud de cette partie rurale de Leure, les quartiers urbains et maritimes s’étendaient le long du rivage jusqu’au Chef-de-Caux (…) Ces derniers quartiers ou hameaux avaient été habités dès le XIe siècle, et surtout aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles par les paludiers, marins et bourgeois qui s’y étaient groupés autour de l’église paroissiale de Leure et de la chapelle Notre-Dame de Grâce… »

On le voit bien, si la paternité de François 1er, en ce qui concerne la création du port du Havre, ne saurait souffrir d’aucune contestation (Nous en reparlerons plus loin), pour ce qui est de la ville, on est en droit de se poser la question. Car il devait bel et bien exister, autour de la crique du havre de Grâce, un embryon de ville, un semblant d’agglomération, même si ces habitations étaient incontestablement précaires, et que les aléas de la mer, qui redessinaient continuellement les contours du littoral, devaient causer bien des soucis aux malheureux habitants qui s’y étaient installés.

Et puis, il y a bien une seconde raison qui pourrait nous conforter dans cette affirmation : Il est bien évident, les chroniques le démontrent, que l’idée initiale et directrice du souverain était bien de répondre aux demandes insistantes des marchands harfleurais et rouennais de disposer d’un havre avancé, un refuge, un port d’allège, destiné à apporter un remède aux défections des ports de Harfleur et de Leure. Pour preuve, le projet de percement d’un canal, long de 7 kilomètres tout de même, « pour faire venir et mectre la ryvière dud. Harfleu dedans led. avre et aussi recuyllir et fair choir en icelluy avec plusieurs eaux qui descendent de la coste de Graville », ce qui tend à démontrer que le nouveau havre ne devait être dans l’esprit du Roi qu’un avant-port de Harfleur.

Il ne fait pas de doute que l’idée d’édifier une ville nouvelle à proximité de la crique de Grâce a d’abord, et très tôt, germé dans l’esprit du vice-amiral du Chillou et que c’est lui qui est, dès le début, à la manœuvre. C’est lui qui rachète, dès le 6 mai 1517, aux paroissiens d’Ingouville les 24 acres de terrain sur lesquelles vont se bâtir les premières maisons, un terrain qu’il s’empresse de fieffer aux nouveaux habitants, et à son seul profit personnel. Et il le fait en catimini, en toute discrétion. Il n’en informera le Roi que bien plus tard, quand il ne pourra plus se cacher derrière son petit doigt. Le projet est alors suffisamment avancé pour qu’il ne soit plus alors guère aisé de l’arrêter, de revenir en arrière. François 1er, il est vrai, estimant que, finalement, ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée, ou ne désirant pas perdre la face tout simplement, adopte aussitôt, et l’idée, et la cité, et va même jusqu’à instaurer, en 1520, les avantages fiscaux qui allaient lui permettre de poursuivre et d’accélérer son développement…

Voilà, nous avons fait le tour des localités qui, au début du XVIe siècle, entouraient cette plaine d’atterrissement, de marécages et de criques qui allait donner naissance à un nouveau port – Certes, il y avait bien, si nous nous étions enfoncés un peu plus dans l’intérieur des terres du pays de Caux, d’autres villages dont la présence était antérieure à celle du Havre, mais cela nous aurait par trop éloigné de notre objectif.

Il est temps maintenant d’aller voir d’un peu plus près cette crique de Grâce dont le destin allait, par la volonté d’un tout jeune Roi de France, et pratiquement du jour au lendemain, passé de l’ombre à la lumière, et devenir l’un des plus importants et des plus dynamiques de l’Hexagone…

1) Le troisième restera à l’état embryonnaire avant de devenir le bassin de la Barre en 1800.

2) « Le Havre, petite histoire civile, politique, militaire et économique », Frédéric de Coninck, 1869.

3) « IVe centenaire du Havre – Origines du XIIe au XVIe siècle », Alphonse Martin, 1917.

4) Enquête faite au Havre en 1532 dans le cadre du procès du seigneur de Graville.

5) « Antiquitez du Havre de Grâce », Jean Laignel, (Hervé Chabannes et Dominique Rouet), 2010.

6) Donc quelques années avant la création « officielle » du Havre, reproduite à la page 41 dans « Les manuscrits retrouvés de Jacques Augustin Gaillard » (Hervé Chabannes, Éditions PTC, 2006).

7) « IVe centenaire du Havre – Origines du XIIe au XVIe siècle », Alphonse Martin, 1917.

 

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