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Il était un Havre
Il était un Havre
  • Comme son nom l’indique, Le Havre fut d’abord un port avant de devenir une ville. C'est à la fois la plus récente des villes françaises et le benjamin de nos grands ports. Je vous propose un petit voyage dans le temps à la découverte de son passé.
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Au Havre, il est en vente à la Galerne, à la FNAC et à Auchan Montgaillard.

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9 février 2017

La crique de Grâce

William_Thorney,_Crique_en_Normandie,_1901

Crique en Normandie (William Thorney, 1901)

Qu’ils ont dû être surpris, ce beau matin du dimanche 1er mars 15161, les pêcheurs de misère dont les modestes masures constituaient le hameau du vieil havre. Surpris, mais aussi inquiets. Qu’ils ont dû les écarquiller, leurs yeux remplis d’étonnement, surpris et incrédules, quand ils ont vu débarquer, dans la plaine alluvionnaire qui s’apprêtait à devenir le berceau du port neuf, tous ces beaux messieurs endimanchés et en grand équipage.

 

Pont de normandie (35)

« L'endroit choisi n'est guère engageant, souligne Jean Legoy. La crique de grasse est en réalité formée de 3 criques dont le chenal commun est ouvert dans le sens est-ouest. La crique ouest deviendra l'avant-port du Havre, la crique nord ou grande crique constituera le bassin du Roi, la troisième crique, vers l'est, forme l'embryon du futur bassin de la Barre. Le tout est entouré d'une zone de vase et de boue, une terre d'argile et de pierres roulées par les flots, des marécages infectes et malsains, des rivages incertains, des terres mobiles et fiévreuses. Au sud de cette zone, un cordon de sable et d'alluvions est retenu par des amas de galets, les perreys, qui le séparent de la mer et du fleuve.2 »

 

Crique de Grâce

Cette grande réunion champêtre, avait rassemblé sur le site, à la demande expresse du sieur du Chillou, entre 5 et 600 personnes, parmi lesquels figuraient notammentles officiers du baillage, de l'élection et de la vicomté de Montivilliers, plusieurs bourgeois de cette même ville, l'écuyer commis à la garde des mortes-payes Jean Stuart,M. de Blosseville, le lieutenant de l'amiral à Harfleur Jean de la Masure, le receveur des tailles Nicolas Raoullin, Louis Auber, le procureur de la ville Robert de Harquembourg, les élus Pierre de la Fontaine et Jean Régnier, les capitaine et maître de navire Pierre Henri et Robert Terrier,auxquels s'étaient joints plusieurs bourgeois et habitants de cette ville avec un grand nombre de maîtres maçons, de pionniers et de maîtres de navires.3 

 

Pont de normandie (51)

Après avoir écouté leur exposer ce plan conçu, étudié et mûri, sans doute de longue date, les membres de l'assistance valident et entérinent le choix du site sur lequel sera édifié le nouveau port. Sans perdre de temps – puisqu’on est sur place, pourquoi ne pas en profiter pour régler quelques menus détails ? –, le vice-amiral fait mesurer et jalonner de pieu le tracé des futurs installations. Dès le lendemain, en présence des entrepreneurs qui se sont présentés à la demande de Guyon Le Roy, sieur du Chillou, les travaux sont mis en adjudication. Le devis définitif est adopté dès le 4 mars et les heureux bénéficiaires ne sont autres que Jehan Gaulvain, d'Harfleur, et un certain Michel Ferey d'Honfleur, une vieille connaissance de Guyon Le Roy qui, rappelons-le, était capitaine de la ville d'Honfleur et qui lui avait servi d'intermédiaire dans l'achat d'un navire en 15164.

 

img467

On le voit, les affaires avaient été rondement menées. Au pas de charge, serait-on tenté de dire. Et on peut en effet s'étonner du rythme effréné avec lequel cette séquence s'est déroulée et, de là, se poser un certain nombre de questions. Des questions auxquelles Philippe Barrey, dans l'une des communications qu'il avait faites en 1916 à propos du IVe centenaire du Havre, tente d'apporter des éléments de réponse : « Ainsi que l’a judicieusement remarqué M. Alphonse Martin, l’historien qui s’est consacré avec tant de dévouement à l’étude des origines du Havre, de pareilles démarches, enquête sur place, confection du devis, envoi au Roi, examen et renvoi après approbation, exigeaient des délais incompatibles avec le peu de temps écoulé entre la date de cette lettre et celle de la Commission ci-après. Il paraît incontestable que, grâce aux soins de Guyon Le Roy, l’affaire était bien mûrie, que le projet, ou l’avant-projet, était arrêté dans ses lignes essentielles lorsque, le 7 février 1517, François Ier, entrant dans la phase d’exécution, attribuait à Bonnivet les pouvoirs suffisants pour conduire l’entreprise.5 »

 

Trois-mâts barque

Et il est un autre détail, pas anodin du tout, qui mérite que l'on s'y arrête un tout petit instant. C'est le délai prodigieusement court qui est accordé à la réalisation des travaux et qui n'a, semble-t-il, suscité la moindre réserve de la part des entrepreneurs, maîtres maçons et autres artisans présents sur le site ce jour-là. Il est écrit en toutes lettres que les travaux devront être achevés au mois d'octobre suivant. Une échéance inimaginable avec les moyens de l'époque et qui, compte-tenu de l'ampleur de l'ouvrage à réaliser, serait probablement considéré de nos jours encore comme un record en la matière. Étonnant, n'est-il pas ? Comment expliquer une telle disposition ? Voici ce qu'en pense et qu'en dit le même Philippe Barrey : « Dans le devis ci-dessus est insérée une stipulation qui semble inexplicable, et qui l’est en effet si l’on s’en tient à la lettre. L’achèvement complet des travaux était prévu pour la fin d’octobre 1517. Une telle obligation était matériellement inexécutable pour cette époque et il est probable qu’elle ne serait pas davantage réalisable pour la nôtre. Cette impossibilité ne pouvait échapper à des praticiens aussi avertis que ceux qui assistèrent à la rédaction de ce devis () Alors, on est conduit à se demander si cette adjudication n’était pas une scène convenue à l’avance entre Guyon Le Roy et les maîtres maçons, qu’il devait connaître depuis longtemps, tout au moins celui de Honfleur. En fixant un terme aussi rapproché, il évitait d’effrayer le Roi par l’éventualité d’un engagement à trop lointaine échéance, et qui par cela même devait être coûteux. Une fois mis en train, les premiers résultats obtenus ou entrevus, il devenait difficile de ne pas le continuer. Ce subterfuge habile, on n’ose dire innocent, assurait la pérennité de l’œuvre à laquelle s’était attaché Guyon Le Roy.6 »

1) À cette époque, le changement d’année avait lieu à Pâques, ce qui avait pour conséquence qu’au mois de mars, on était en 1516, et, au mois d’octobre, on était en 1517.

2) « Le peuple du Havre et son Histoire, tome 1 », Jean Legoy, 1983.

3) « Origines du Havre, description historique et topographique de la ville françoise et du havre de Grâce », Alphonse Martin, 1885.

4) « Le peuple du Havre et son Histoire, tome 1 », Jean Legoy, 1983.

5) « Origine et fondation du port et de la ville du Havre », Philippe Barrey, Commémoration du IVe centenaire du Havre, publications de la Société Havraise d'Etudes Diverses, 1916.

6) « Origine et fondation du port et de la ville du Havre », Philippe Barrey, Commémoration du IVe centenaire du Havre, publications de la Société Havraise d'Etudes Diverses, 1916.

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